Charles
Trenet grandit à Narbonne mais rejoint Paris au début des années 30.
Son premier petit boulot est assistant dans un studio de cinéma. Il
écrit des poèmes et c'est donc le milieu littéraire de Montparnasse
qu'il fréquente, notamment à la Coupole : Jean
Cocteau ou Max Jacob sont parmi ses amis. Il y
rencontre aussi un compositeur et pianiste suisse qui va devenir son
partenaire sur scène : Johnny Hess et Charles Trénet vont se produire
en duo sur scène, notamment au Boeuf sur le Toit ou au Fiacre puis au
Palace. Ils vont connaître très vite la popularité. Charles écrit les
textes de ses chansons et son premier grand succès planétaire sera un
texte interprété par Jean Sablon "Vous qui passez sans me voir". En
1936, Charles Trénet part pour l'armée à Istres. Ce sera pour lui
l'occasion de se produire seul sur scène à Marseille, au cabaret du
Grand Hôtel Noailles. Celui que l'on commence à appeler "le fou
chantant" lance ses premiers grands succès, comme "Y'a d'la joie"
(repris par Maurice Chevalier) ou "Je chante". Il se produira désormais
tout seul et ne rendra hommage à son partenaire Johnny Hess que dans
une chanson des années 90, "Johnny, tu me manques". Charles Trénet est
à l'affiche des grands music-halls parisiens comme l'ABC mais aussi de
petits cabarets plus intimistes comme chez Suzy Solidor, rue Sainte
Anne. A la déclaration de guerre, il est mobilisé. Le journal
Paris-Soir va même annoncer sa mort sur le front, ce qu'il va démentir
très vite. Durant l'occupation, il continue de chanter et participe
aussi à plusieurs films. "Douce France" reste son tube le plus célèbre
de cette époque de guerre. Il sera un temps inquiété par la Gestapo qui
le soupçonne, à tord, d'être juif. Il interrompra ses présentations aux
Folies Bergères en raison du public majoritairement constitué de
soldats allemands. A la libération, il se produit sur les plus grandes
scène d'Amérique, de New-York au Canada ou au Brésil. Il continue à
produire des tubes planétaires comme "la Mer", "Nationale 7", "Moi
j'aime le Music-hall", "L'âme des poètes"... les années 50 seront
celles de sa consécration. A Paris, il sera à l'affiche de l'Olympia,
de l'Alhambra. Les années 60 seront en revanche plus difficiles avec la
vague des chanteurs yéyé, et aussi un procès pour une affaire de m½urs
qui va le marquer profondément. Il va se mettre un peu en retrait de
la scène durant une vingtaine d'années puis renaître en 1987 lors
d'un "printemps de Bourges" où il s'aperçoit que son public ne la pas
quitté mais surtout que la jeunesse a repris goût à ses chansons.
Désormais, il ne quittera plus la scène.
Concernant
son homosexualité, Charles Trénet a toujours été discret et
ne tenait pas à en faire une cause à une époque où la société était
majoritairement hostile aux homosexuels. Si, à première vue, ses
chansons chantaient l'amour hétérosexuel, une lecture plus subtile y
décèle néanmoins de nombreuses allusions et des paroles à double sens.
Les homosexuels de l'époque ne s'y trompaient pas. De nombreuses
chansons font allusion à un partenaire au sexe indéterminé (prénom
équivoque), d'autres sont plus éloquentes comme "le Jardin
extraordinaire", "les petits regrets", "l'Abbé à l'harmonium" (il
pédalait...), "Les Pelouses sportives", "La flûte du maire" ("Il
m'invite dans sa hutte / Et me montrant sa flûte / Me dit d'un air
gourmand / Je vous veux bien pour gendre / Mais avant il faut apprendre
/ A jouer de cet instrument"). Dans "Johnny,
tu me manques", Charles Trénet évoque ses belles années avec son
camarade Johnny Hess dans une chanson pleine de nostalgie d'une amitié
(amour ?) perdue.
Si le chanteur restait discret, les jaloux de son
succès et les refoulés en tout genre n'ont jamais cessé d'utiliser son
homosexualité pour lui nuire. Au début de l'occupation, il était le
chanteur zazou détesté des allemands et des collabos. Comme tous les
zazous, leur goût pour une certaine excentricité, leur liberté de m½urs
qui séduisait beaucoup d'homosexuels, les mettaient automatiquement en
marge. Charles Trénet fera l'objet d'attaques et d'allusions mesquines
par les partisans de la race pure ou de la famille. A la Libération,
les ennuis continueront. Alors qu'il ne s'est jamais compromis avec
l'ennemi, ses détracteurs le traîneront devant un Tribunal d'épuration
comme le seront presque tous les chanteurs et chanteuses homosexuels.
Il en sortira totalement blanchi. En 1948, alors qu'il est en tournée
aux Etats-Unis, en plein Maccarthisme, il est incarcéré à Illis Island
durant 26 jours ; raison : son homosexualité est une atteinte à la
sécurité des Etats-unis. En 1963, c'est encore son homosexualité qui
est
mise en cause dans un procès. Un des ses anciens chauffeurs licencié,
pour se venger de son ex employeur, après avoir tenté de le faire
chanter, l'a dénoncé pour atteinte aux bonnes m½urs sur mineurs. Il ne
faut pas oublier qu'à cette époque, si la société était très tolérante
envers la pédophilie hétérosexuelle (les bons pères de familles
payaient des prostituées à leurs jeunes adolescents pour qu'ils
apprennent à faire l'amour), elle interdisait sévèrement toute relation
entre hommes si l'un des deux était âgé de moins de 21 ans. Charles
Trénet fut accusé d'avoir eu des relations avec des jeunes hommes de 20
ans. Il fut arrêté à Aix-en-Provence et emprisonné pendant un mois,
puis libéré par un non lieu. La presse à scandale s'empara de cette
affaire pour faire une fois de plus l'amalgame entre homosexualité et
pédophilie. Son homosexualité fut livrée en pâture à une population
majoritairement homophobe et les insultes marquaient désormais son
quotidien. Pour beaucoup de Français, il n'était devenu qu'un violeur
de petits garçons. Il souffrira beaucoup de la bêtise humaine et
cette histoire sera probablement une des raisons de son isolement et de
sa retraite prématurée. Il faudra attendre la fin de sa vie, en 1993
pour qu'il déclare son
homosexualité à demi
mot dans un magazine et 1999 pour qu'il en parle lors d'une
interview télévisée. Charles Trénet est mort en 2001.
-Marc
Andry, Charles Trénet, Collection
"Masques et Visages" - Editions Calman-Levy, 1953
- Michel Perez, Charles Trénet, Collection
"Poésie et chansons" - Editions Seghers, 1964
- Préface Serge Gainsbourg, Charles
Trénet, la route
enchantée, Editions Le Temps
Singulier, 1981
- Illustrations
par Chabrier, Les Chansons de Paris de Charles
Trénet, Editions Raoul Breton, 1982
- Geneviève
Beauvarlet, Trénet,
Editions Bréat, 1983
- Richard Cannavo, LA Ballade de Charles Trénet, Collection
"Point Virgule" - Editions du Seuil, 1988
- Boum, Chansons folles, Collection
"Point Virgule" - Editions du Seuil, 1988
- Le Jardin Extraordinaire, les
chansons de toute une vie, Editions Livre de
Poche, 1992
- P. Saka, Trénet
par Trénet,
Editions N°1, 1993
- Tombe du Ciel, l'intégrale,
Editions Plon, 1993
- Jacques Pessis, L'Ame d'un Poète, Editions
Plon, 1993
- Richard
Cannavot, Monsieur Trénet, biographie, Lieu
Commun, Edima, 1993
- S. Hoffman, Le Frand Charles, le Roman de
Charles Trénet, Editions Albin Michel, 1998
- illustré par
Natali, Le Trénet, Recueil
de 19 chansons - Mango Jeunesse, 1999
- Pascal Bussy, Charles Trénet, Librio,
1999
- Philippe
Dupuis-Berberian, Trénet Illustré, Collection
"Les Chanteurs s'illusteent" - Editions Albin Michel, 2000
- Noël Balen, Charles Trénet,
Editions Du Rocher, 2001
- Jacques Percioy, Charles Trénet... sur paroles, Editions
Didier Carpentier, 2001
- Bernard Revel, La Folle Jeunesse de Charles
Trénet, Editions Mare Nostrum, 2002
:: Oeuvres de Charles Trénet
Charles Trénet a
laissé près d'un millier de
chansons, nous ne présentons ci-dessous qu'une petite sélection de ses
plus grands succès.
Sélection
de Chansons :
- 1932 : Hélène - Chantez mon coeur
- 1933 : On s'embrasse, on s'enlace - Quand les beaux jours seront là
- 1934 : Les jolies mademoiselles
- 1935 : La vieille marquise - Maman ne vend pas la maison - La Java du
Diable
- 1936 : Y'a d'la Joie - Vous oubliez votre cheval
- 1937 : Je chante - Fleur bleue - Vous qui passez sans me voir
- 1938 : Boum ! - La route enchantée - Ménilmontant
- 1939 : Le Soleil et la Lune - Mam'zelle Clio
- 1940 : Près de toi mon amour - Papa pique et maman coud
- 1941 : Un rien me me fait chanter - Verlaine - Bonsoir jolie madame
- 1942 : Que reste-il de nos amours ?
- 1943 : Douce France - Débit de l'eau, débit de lait - Poule zazou
- 1945 : Liberté - On danse à Paris - La folle complainte
- 1946 : La Mer
- 1947 : Revoir Paris
- 1948 : Grand maman c'est New-York
- 1949 : Mes jeunes années
- 1950 : Un jour vous comprendrez
- 1951 : L'âme des Poètes - La folle complainte
- 1952 : Mon amour est parti pour longtemps
- 1953 : Les Olivettes
- 1954 : Adieu mes beaux rivages
- 1955 : Route Nationale 7 - Moi j'aime le music-hall - A la porte du
garage
- 1956 : Le Noël des enfants noirs
- 1957 : Le jardin extraordinaire
- 1960 : Ah quand l'amour
- 1961 : Kangourou - Narbonne mon amie
- 1962 : Jeunesse plumée
- 1963 : Zéphir
- 1964 : La chanson de Bruno
- 1965 : Il faut garder la poésie
- 1966 : J'envie ta vie ô vagabond
- 1968 : Avec toi on vivrait
- 1969 : Il y avait des arbres
- 1970 : Au bal de la nuit
- 1971 : L'abbé à l'harmonium - Fidèle
- 1973 : La mort du chiffonnier
- 1974 : Il pleut sur ma chaumière - Cinq ans de marine
- 1975 : Les pelouses sportives
- 1976 : Il faudrait toujours
- 1981 : La flûte du maire - Vrai ! Vrai ! Vrai !
- 1982 : L'homme au singe savant
- 1983 : Je ne vend pas que du blues
- 1985 : Les accordéons
- 1986 : Aux fontaines de la cloche
- 1989 : Amis des lendemains
- 1992 : Drôles d'idées
- 1993 : Johnny, tu me manques
- 1995 : De tout dans un coeur
- 1999 : Les poètes descendent dans la rue - Banlieue de banlieue
Filmographie
:
- 1932 : Bariolé
- 1938 : La route enchantée
- 1938 : Je chante
- 1941 : La romance de Paris
- 1942 : Frédérica
- 1943 : Adieu Léonard
- 1943 : La cavalcade des heures
- 1956 : Printemps à Paris
- 1957 : Bouquet de joie
- 1957 : C'est arrivé à 36 chandelles
Livres
de Charles Trénet
:
- Dodo Manière,
Roman, - Editions Albin Michel - Paris - 1939. - La bonne
planète - Roman préfacé par Jean Cocteau - Editions
Brunier - Paris - 1949. - Un noir
éblouissant - Roman - Editions Grasset - Paris - 1965. - Mes jeunes
années racontées par ma mère et moi - Essai biographique -
Editions Robert Laffont - Paris - 1978. - Pierre,
Juliette et l'automate - Roman - Editions Robert Laffont -
Paris - 1983.
- Charles
Trénet, oeuvres d'éternelle jeunesse Roman -
Editions Michel Lafont - Paris - 1988.
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