Une loi interdit l'avortement et la
contraception.
- 1921
Proust publie "Sodome et Gomorrhe".
- novembre 1924
Lancement de la revue Inversions.
- avril 1925
La revue Inversions devient "l'Amitié" puis
cesse définitivement sa parution.
- 1928
Jean Cocteau publie "le Livre Blanc"
::
LA FEMME S'EMANCIPE ET L'HOMOSEXUALITE DEVIENT VISIBLE.
Après
l'épisode de la guerre de 14-18, la société a une dette
envers les femmes qui ont fait tourner le pays lorsque les hommes
étaient au front. Elles ont gagné indiscutablement un rang et leur
tenue vestimentaire est maintenant assez symbolique de ce nouveau
statut. Les lesbiennes auront d'ailleurs une grande influence sur la
mode. Fini les grandes robes jusqu'au sol, les jupons, les grands
chapeaux bordés de dentelle cachant de longues chevelures tressées en
chignons. Désormais, la femme moderne porte le cheveu court "à la
garçonne", des jupes
étroites ceinturées sur les hanches et qui laisse même parfois
entrevoir les genoux, poitrine aussi plate que possible,
fume-cigarette et il n'est pas rare qu'elle porte un veston et
une
cravate
qui était jusqu'alors un attribut réservé aux hommes. Le look est
résolument androgyne.
Paris voit les
établissements homosexuels sortir de la clandestinité. Même s'ils sont
encore souvent assimilés à des lieux de prostitution, il existe
désormais des lieux festifs et de sociabilité pour les homosexuels
hommes ou femmes. En revanche, les villes de région ne
bénéficient
pas encore de cette visibilité, même si elles sont loin d'être le
désert absolu qu'on a voulu imaginer. Chaque ville a ses lieux de
rencontre, souvent non commerciaux ou clandestins et si l'homosexuel de
province est encore obligé de se marier et de faire des enfants, il
peut aussi vivre sa sexualité, de manière clandestine. Berlin,
plus
que Paris encore, voit naître une véritable communauté homosexuelle,
organisée en associations, avec ses nombreux établissements de
rencontre, sa presse, ses événements festifs... La capitale allemande
va proposer
plus de 300 bars homosexuels. Paris va s'en inspirer durant les années
20, mais sans atteindre l'effervescence de Berlin. Les cabarets de
travestis berlinois vont contribuer à la légende de cette ville et en
faire la capitale mondiale de l'homosexualité, du plaisir, de la nuit
pour certains, de la luxure, de la débauche et du vice pour les autres.
A Paris, s'il existe aussi plusieurs cabarets de travestis (cf Paris années 20)
et quelques transformistes célèbres comme Kymris ou Monsieur Bertin,
c'est le "Bal de Magic City" qui, une fois par an lors du carnaval, va
rassembler des centaines de travestis amateurs venus des quatre coins
de Paris et de la France pour un immense bal interlope et coloré où
chacun rivalisera d'élégance à travers des costumes somptueux
confectionnés minutieusement durant des mois (cf Paris
années 20) .
Fête
de travestis à Paris dans les années 20
Le
transformiste Kymris vers 1920.
Bar
homosexuel à Berlin.
Bar
homosexuel à Paris.
:: LA SOCIETE
FRANCAISE RESTE
MAJORITAIREMENT HOMOPHOBE.
Si
l'homosexualité devient plus visible dans les grandes villes et dans
les comportements publics, les politiciens, les journalistes, les
écrivains restent homophobes dans leur immense majorité. Gide est
marginalisé par les autres écrivains et en particulier par l'écrivain
catholique Paul Claudel. Mais la psychiatrie prend aussi une place
dominante en France et si les thèses de Magnus Hirschfeld n'y ont pas
beaucoup d'adeptes, celles de Freud, qui considèrent l'homosexuel comme
un infirme dont la sexualité est restée au stade infantile, ont la
faveur des autorités. Le docteur François Nazier publie en 1924
"L'Anti-Corydon" avec comme épigraphe "La nature a horreur du Gide".
Ecrivains, journalistes, médecins considèrent que les homosexuels ne
peuvent pas parler d'homosexualité et qu'ils sont disqualifiés de fait
pour avoir un avis sur le sujet. La société française se range
unanimement devant l'avis de la psychiatrie officielle. L'homosexualité
ne peut être que contre-nature, immature et corruptrice de la jeunesse.
Les années 20 seront aussi les années de répression contre l'avortement
et la contraception, plusieurs lois vont les interdire fermement. La
politique de relance de la natalité reste prioritaire pour les
responsable politiques, même si elle doit passer avant la liberté
individuelle. La revue homosexuelle "Inversion" sera d'ailleurs
interdite en raison de sa "diffusion de méthodes
anti-conceptionnelles". Si l'homosexualité n'est pas punie par la loi
en tant que telle, elle semblait pouvoir l'être en tant que méthode de
contraception (?)... Mais la société ne s'interrogera jamais sur le
célibat des prêtres ou des religieuses, qui est, en quelque sorte,
aussi une méthode de contraception.
Dessin de
Roubille
Dessin de
Marcel Vertès (1925)
:: LES TRAVAUX DE
HIRSCHFELD EN
ALLEMAGNE FONT AVANCER LA CAUSE DES HOMOSEXUELS EN EUROPE.
Après avoir créé le premier
groupement de défense des homosexuels, le WhK, l'Allemand Magnus
Hirschfeld (cf années 1900),
va créer en 1921 "la Ligue
Mondiale pour la Réforme Sexuelle" qui
va regrouper 130 000 membres dans le monde entier. Puis
il va organiser à travers l'Europe des conférences mondiales sur
l'homosexualité (Congress for Sexual Reform). Le premier se tient en
1928 à Copenhagen, le second en 1929 à Londres, suivront Vienne (1930)
et Brno (1932). Celui qu'on appelle le "Einstein du sexe"
co-écrit
et participe, en 1919, au premier film qui présente une histoire
d'homosexuels au cinéma, "Anders als die Andern" (Différent des
autres). Ce film évoque la souffrance des invertis dans une société
hostile, et poussés au suicide par les chantages dont ils sont l'objet.
C'est à cette époque, le 1er juillet 1919, qu'il fonde à deux pas du
Reichtag à Berlin
l'Institut pour la Science Sexuelle (Institut für Sexualwissenschaft).
C'est l'époque de la République de Weimar, libérale et tolérante. Cet
institut comprend un musée du sexe
et la
plus grande librairie - centre de documentation
jamais proposés sur la sexualité (20 000 ouvrages, 35 000 photos,
documents anthropologiques, médicaux, juridiques...), mais il assure
aussi des consultations médicales et des informations et
conseils sexuels. Des savants, des intellectuels, des écrivains du
monde entier visiteront l'Institut d'Hirschfeld, dont les français
André Gide et René Crevel. Parallèlement, Hirschfeld, grâce à ses
nombreux voyages à travers le monde, continue à rassembler témoignages
et observations. Il s'entoure de médecins, de psychothérapeutes, de
chercheurs mais aussi de juristes. Il lance un journal, le "Jahrbuch
für Sexuelle Zwichenstufen" (Annales pour les intersexuels) qui se
transforme en 1926 en "Mitteilingen des WhK" (La lettre du WhK). Ces
journaux ne sont néanmoins pas les premiers journaux homosexuels
allemands, puisque le plus ancien "der Eigene", date de 1896.
Hirschfeld s'associera d'ailleurs avec cette revue pour donner plus de
poids à la lutte des homosexuels. Il va publier, un livre de plus de
1000 pages "l'homosexualité chez les hommes et chez les femmes" et de
nombreuses brochures d'information, tout en continuant son
lobbying pour faire avancer les lois contre les discriminations. Son
étude de la sexualité s'affine. Il considère qu'entre la masculinité et
la féminité, il existe une échelle de 64 marches qui englobent les
bissexuels, les homosexuels virils ou efféminés, les lesbiennes, mais
aussi les transgenres (intersexuels) ou les hermaphrodites. C'est la
première fois qu'une étude aussi précise est menée en dehors de toute
considération morale ou religieuse. Son étude a aussi le mérite de
donner une vision globale de la sexualité et non pas une vision
égocentrique considérant que c'est la sexualité de l'observateur qui
est la norme ou le centre. Magnus Hirschfeld soutiendra également les
combats féministes et lesbiens. En 1928, il préface le livre de Ruth
Margarete Roellig, "Les Lesbiennes de Berlin". Il soutiendra aussi les
mouvements féministes lorsqu'il sera question d'étendre le §175 aux
lesbiennes. Cet article de loi pénalisait les homosexuels mâles en
Allemagne depuis 1871. Malheureusement il ne sera pas aboli de son
vivant (l'abolition du § 175 ne se fera qu'en 1969). Durant les années
20 Hirschfeld assiste aussi, impuissant, à la montée du nazisme. Il
sera agressé en 1921 par une bande de nazis à Munich et en 1923, une
fusillade fera des dizaines de blessés lors d'une de ses conférences à
Vienne. La montée de l'extrême droite, qui rejette les juifs et les
homosexuels dans une même condamnation, va peu à peu sonner le glas
pour Magnus Hirschfeld qui est juif et homosexuel. (Cf années 30)
:: LANCEMENT DES
REVUES
INVERSIONS ET l'AMITIE.
Depuis
l'arrêt de la publication de la revue Akademos en 1909, la France,
contrairement à l'Allemagne, n'avait plus aucune revue homosexuelle. En
novembre 1924 naît la revue Inversions. Dans son premier édito elle ne
cache pas ses intentions : "Inversion n'est pas une revue de
l'homosexualité mais une revue pour l'homosexualité" ; "Il ne suffit
pas que les homosexuels semblent être une minorité pour qu'on fasse
d'eux des anormaux ou des malades. Inversion veut être leur revue, ils
y chanteront leur amour aussi beau, aussi noble que les autres amours."
Inversion va donc être la revue de défense des homosexuels et
s'employer à décomplexer les homosexuels qui se considèrent souvent
eux-même comme des anormaux tant la pression sociale et la psychiatrie
arrivent à les en persuader.
Inversions va consacrer des articles sur l'actualité de l'époque comme
le procès d'Oscar Wilde, des articles scientifiques, des critiques
littéraires, des poèmes...
La revue va se vendre sur abonnement et quelques encarts de publicités
vont même faire leur apparition. Les annonceurs sont Viala, fabricant
de porte-plumes, Pampa, spécialiste des soins de beauté, des massages,
du traitement du double menton et du raffermissement des tissus...
Inversion ne va publier que 5 numéros car elle fera l'objet d'une
instruction pour outrages aux bonnes m½urs. Elle tentera d'y échapper
en changeant de nom. Elle va devenir "L'Amitié" en avril 1925 pour un
seul et dernier numéro.
Ses responsables sont des gens modestes et courageux, totalement
inconnus des milieux littéraires ou homosexuels parisiens. Gustave
Beyria est employé de bureau, Gaston Lestrade employé des postes et
Adolphe Zahnd, tapissier. Ils n'auront aucun soutien du monde
littéraire ou journalistique malgré la qualité de leur revue. Ils
seront condamnés à 6 mois de prison, réduits à 3 mois en appel et la
revue sera interdite. Il n'y aura plus de revue homosexuelle en France
jusque dans les années 50.
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RESSOURCES
EXTERIEURES
::
Sources :
::
Sites internet :
- Didier Eribon, Dictionnaire
des Cultures Gays et
Lesbiennes, Larousse, 2003
- Collectif, Dictionnaire
de l'Homophobie, Puf, 2003
- Jean-Louis Chardans, History and
Anthology of Homosexuality, British Group
of sexological Research
- Régis Revenin, Homosexualité
et prostitution masculines à Paris 1870-1918, L'Harmattan,
2005
- Pierre Hahn, Nos
ancêtres les pervers, 2006
- Florence Tamagne, Revue
d'Histoire moderne & Contemporaine, Belin, 2006
- Collection privée de cartes postales.
- Gilles Barbedette et Michel Carassou, Paris Gay 1925,
Editions Non Lieu, Paris, 2008
- Archives de la revue "Voilà", collection privée.
- Lambda-education
: Excellent site suisse sur l'histoire de l'homosexualité, bien
documenté, 50 pages de texte, 100 illustrations : http://www.lambda-education.ch
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