Fabrice
Emaer est né à Wattrelos près de Lille le 1er mai 1935. Son vrai nom
est Francis Paul Emaer. Il
quitte sa famille à 17 ans pour l'Afrique du Nord puis la Cote d'Azur.
Ses pas l'amènent ensuite à Paris où il préfère prendre le prénom de
Fabrice. Son premier métier est maquilleur styliste.
En 1964, il ouvre son premier bar rue Sainte Anne, le Pimm's Bar. Le
Pimm's diffuse de la musique américaine et il accueille exclusivement
les garçons. L'entrée est sévèrement sélectionnée, car les bars gay
sont encore très discrets à cette époque. Le Pimm's va être un succès
et Fabrice Emaer va ouvrir un deuxième établissement dans la même rue
Sainte Anne au numéro 7. "Le Club Sept" est inauguré en 1968. Fabrice
installe une discothèque gay au sous-sol dans une cave voutée qu'il
habille de miroirs et de néons multicolores qui clignotent au son de la
musique. Au Rez-de-Chaussée il aménage un restaurant haut de gamme,
destiné à accueillir les vedettes du show-bizz. "Le 7" va connaître un
succès foudroyant et va avoir une réputation internationale. Tout jeune
homosexuel de passage à Paris se doit de sortir le soir au Sept même si
l'entrée est très sélectionnée et les prix exorbitants. Fabrice Emaer
a non seulement le sens des affaires mais il est en outre d'une
imagination débordante et le Sept est bientôt trop petit pour lui. En
1973, il apprend par Michel Guy, qui est alors ministre de la Culture,
qu'un vieux music-hall est à vendre rue du Faubourg Montmartre mais
qu'il faut le rénover car la salle est en mauvais état. Fabrice qui
avait eu l'occasion de fréquenter le Studio 54 à New-York, cette
immense discothèque aménagée dans d'anciens studios de télévision et
dont l'ambiance festive dépassait toutes les frontières, rêvait d'avoir
l'équivalent à Paris mais en plus ouvert et moins élitiste. Le
music-hall avait déjà un nom, le Palace. Fabrice Emaer va dépenser une
fortune pour lui redonner son lustre d'antan et surtout pour le
transformer en discothèque. Le Palace va être inauguré le 1er mars 1978
et va être un succès planétaire. Toutes les stars internationales de
passage à Paris se doivent de passer au Palace comme client mais aussi
comme tête d'affiche. Le Palace va donc jouer aussi
la carte music-hall. Mais la vraie réussite du Palace c'est son subtil
mélange de clientèle gay et hétéro, hommes et femmes, riches et
pauvres, jeunes et vieux... Fabrice Emaer va organiser au Palace des
fêtes somptueuses et exubérantes et il va contribuer sans aucun doute à
une meilleure intégration des homosexuels en les sortant de leur ghetto
clandestin et en montrant qu'ils ne sont pas les délinquants et malades
mentaux auxquels les pouvoirs politique, judiciaire, psychiatrique et
religieux les avaient assimilé. En 1981, il va aussi clairement
soutenir François Mitterrand aux élections présidentielles car c'est le
seul candidat qui s'est engagé pour une dépénalisation de
l'homosexualité. Et cette prise de position est risquée lorsqu'on est
commerçant, car une bonne partie de la clientèle peut ne pas apprécier.
Cela a d'ailleurs été le cas mais n'a pas modifié son attitude pour
autant.
Si Fabrice Emaer est un homme d'affaires son action peut
être considérée comme militante pour la cause homo. Si le mouvement
associatif, la nouvelle presse gay (Gai Pied apparait en 1979) ont
contribué à faire avancer les lois et les mentalités, Fabrice Emaer
aura décomplexé les homosexuels et les aura sorti de la honte et de la
clandestinité qui étaient leur quotidien. Ce n'est pas un hasard si les
premières gay pride parisiennes suivront de peu l'ouverture du Palace.
Malheureusement les belles histoires ont une fin.
En 1983, Fabrice Emaer est hospitalisé d'urgence et va décéder
rapidement. La version officielle est qu'il était atteint par un cancer
du rein. A une époque où le Sida fait ses premières victimes en France,
la rumeur d'un décès en raison du Sida se propage mais elle est
démentie par ses proches. Avec plusieurs décennies de recul, on peut
juste constater que la plupart des décès du Sida dans le monde du
show-business français ont été maquillés. D'une part, parce que cette
maladie était très liée aux homosexuels et d'autre part parce qu'elle
faisait peur en raison de l'ignorance de ses modes de transmission.
Pour des artistes qui n'avaient jamais révélé leur homosexualité, comme
Thierry Le Luron, c'est la première raison qui était la cause de ce
déni. Mais pour un entrepreneur de la nuit homosexuelle, la peur de
paniquer la clientèle aurait pu justifier aussi cette "omertà".
Quoiqu'il en soit, la fête est finie. Malgré
toutes les tentatives de ces associés de relancer le Palace,
l'établissement va bien lui survivre jusqu'en 1996 mais la magie n'y
est plus et l'âme du Palace va disparaître en 1983 pour laisser la
place à un mythe qui va devenir le symbole de ce début des années 80,
période festive et insouciante que le Sida n'avait pas encore
gangrené, période militante qui a vu, pour la première fois, les
homosexuels sortir de l'ombre.
RESSOURCES
EXTERIEURES SUR FABRICE EMAER
::
Sources sur Fabrice Emaer :
- Daniel Garcia, Les
Années Palace, Flamarion, 1999
- Alain Pacadis, Nightclubbing,
Articles 1973-1986, Denoël, 2005
- Alexis Bernier, L'esprit
des seventies, Grasset 1994
- Paquita Paquin, 20
ans sans dormir, Denoël, 2005
- http://www.paris70.free.fr
- http://come.to.paris70
- Wikipédia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Fabrice_Emaer
- Archives Gai Pied
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