Si
Paris semble briller dans les années 30 par sa vie gay particulièrement
active et festive, il n'en est pas de même dans les grandes villes de
province. A Lyon, ville bourgeoise et prude pas encore de cabarets avec
spectacles de travestis ou de bals réservés aux invertis. Pourtant la
ville possède aussi ses lieux de rencontre pour homosexuels, même si la
police des m½urs veille à maintenir la bonne réputation de Lyon qui
n'est pas considérée comme une ville de débauche comme peut l'être
Marseille avec ses bars et ses prostitués.
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LES LIEUX A LYON DANS LES ANNES 30.
Un
journaliste gastronomique et écrivain lyonnais, Marcel Grancher, écrit
un reportage sur les invertis
lyonnais en 1937, avant tout pour en dénoncer les coupables et
bestiales activités. Son texte, emprunt d'une grande homophobie, ce qui
était la règle à l'époque, n'en demeure pas moins précis et constitue
un petit catalogue des endroits pour homosexuels dans la capitale des
Gaules des années 30. Ce journaliste s'illustrera par ailleurs en
publiant également des petits romans pornographiques à destination de
la jeunesse
hétérosexuelle en manque de relations féminines. Ce témoignage est
partiel et partial car dans les années 30 la seule homosexualité
visible était celle des folles et des travestis. Il ne nous présente
donc que les lieux fréquentés par une clientèle exubérante et colorée.
Le centre de gravité des rencontres homosexuelles lyonnaises de l'entre
deux guerre est la Place Bellecour. Depuis le début du siècle une
superbe "tasse" ponctue l'extrémité de l'Allée des Veuves face à
l'Hôtel Royal. Les homos de la ville s'y rencontrent sous les
marronniers et continueront d'ailleurs de s'y rencontrer après que la
pissotière ne soit rasée en raison de sa fréquentation. Mais les
rencontres les plus chaudes, et donc qui permettent une consommation
sur place, se déroulent sur les quais du Rhône. Depuis le Pont de
l'Université en passant par le pont Galliéni, les quais sont pourvus de
nombreuses vespasiennes peu éclairées où les invertis se pressent dès
la nuit tombée mais parfois aussi la journée. La plus populaire est
celle située quai Claude Bernard juste en face de la Fac de Droit.
Les Fossés de la Vitriolerie sur les bas ports, les abords du Fort de
la Vitriolerie et un grand terrain
vague de la rue du lieutenant Colonel Renard se prêtent non seulement à
la chasse nocturne mais surtout aux ébats et échanges sexuels. Déjà
beaucoup d'ouvriers arabes, loin de leurs familles, s'y rendent pour
satisfaire leur libido ou arrondir leur fin de mois. Les relations
sexuelles hors mariage étant assez difficiles à l'époque, la
prostitution restait souvent la seule solution pour les hétérosexuels
comme pour les homosexuels. Les hétéros avaient leurs bordels à filles,
les homos, leurs terrains vagues et leur vespasiennes. A Lyon, le
nombre
de voitures stationnant le soir dans les rues avoisinant
le
Fort de la Vitriolerie et sur les quais et dont les riches
propriétaires hantaient les lieux sombres tout proches, témoignaient du
succès de ce type de commerce entre hommes. Les bas ports seront rasés
dans les années 40 après la guerre.
La Place
Bellecour et sa vespasienne face au Royal Hôtel,
centre de gravité des homos de la ville au début du siècle.
La
vespasienne de la Croix Rousse
Le quai
Claude Bernard et le Bas Port sur le Rhône,
terrains de jeu des invertis.
Malgré
un arrêté municipal interdisant la baignade dans le Rhône sans caleçon,
les jeunes lyonnais du début de siècle pratiquaient le naturisme avant
la mode des plages gay.
A LYON
LES CAFES
- Le Caveau Savoyard
rue Sala
- Le Café de la Comète
Cours Lafayette
- Le Bar du Foyer ( Chez Gégé)
rue d'Amboise
- Le Caprice Bar
Montée de la
Grand' Côte
L'essentiel
des rencontres entre homosexuels lyonnais se passe dans des soirées
privées chez des particuliers. Quelques fois, des soirées sont
organisées dans des ateliers de tissage désaffectés de la Croix Rousse,
notamment rue Rosset. Lors de ces soirées clandestines, on improvise
des petits spectacles de travestis, des stripteases, des bals de
garçons. Mais
le Lyon gay des années 30 possède aussi ses bars de rencontres. ils
sont régulièrement fermés par la police des m½urs malgré leur
clandestinité. Les homos y sont contrôlés, arrêtés et fichés. Mais dès
qu'un établissement est fermé, un autre ouvre et les cafés homosexuels
de l'époque ne doivent leur longévité qu'à leur discrétion. En 1936,
voici les établissements recensés par Marcel Grancher :
- "Le Caveau Savoyard".
Ce café est situé à coté du Tribunal militaire, rue Sala.
Stratégiquement, il n'est pas très loin de Bellecour, et si la chasse
est infructueuse à la tasse de Bellecour, elle peut porter ses fruits
au Caveau Savoyard. La police finira par en chasser les invertis qui se
retrouveront dans un autre établissement :
- "Le Café de la Comète"
est situé sur le Cours Lafayette à l'Angle de la rue Garibaldi. Il sera
aussi l'objet d'une rafle.
- "Le Caprice Bar",
Montée de la Grand' Côte. Laissons Marcel Grancher nous en décrire la
clientèle : "Elles
étaient toutes là, frisottées, papotantes, éblouissantes, charmantes...
Brunes ou blondes, pomadées ou ondulées, maigres ou potelées, sourcils
en arc, bouches peintes, paupières bleuies, ongles vernis, ondulant du
torse sous des veste trop ajustées, riant en fausset et buvant en
tenant en l'air des auriculaires ornés de camées trop gros, "elles" se
renvoyaient, comme au tennis, de menus propos : - Paraît que
la Nana a eu tant de succès au bal de Magic-City... - Proutt!...
Ce n'est qu'une petite ouvrière... Elle fait ses robes elle-même !... - N'empêche
que c'est un gros soyeux qui lui payé son billet pour monter à Paname... - Pour les
points noirs sur le nez, il n'y a que le lait de Ninon..."
- "Chez Gégé",
rue
d'Amboise :
Marcel Granchet nous en donne une description : "Fréquenté aussi bien
par
l'honnête commerçant du quartier, venu se rafraîchir en compagnie d'un
voyageur ou d'un livreur de passage, que des filles, des souteneurs
-et, bien entendu, des invertis. On y voit par exemple, Miss Cabinet,
dont l'âme est moins noire que les mains ; la Vieille Garde qui ne
meurt pas, mais ne se rend pas davantage ; la Mimi Félicie,
binocle au
vent, chantant chaque soir qu'elle veut donner son coeur -et qui a un
faible, assure-t-on, pour les apaches ; la Prune, qui roucoule aux
cotés d'un beau voyou ; la Blédine, bien nourrie, comme son nom
l'indique ; d'autres encore... Toutes ces folles piaillent, rient,
boivent et se disputent à petits cris. Les entraîneuses des boites de
nuit, les musiciens, les danseurs, aiment aussi à venir s'y réconforter
d'un juteux entrecôte ou d'un sandwich appétissant. Car le
gastronome
que je suis se doit de proclamer hautement que la cuisinière de Gégé
est l'une des meilleures de la ville.
"M. Granchet termine son
article par les fameux bals du mardi-gras. Comme à Paris, le seul jour
de l'année où le travestissement est autorisé, c'est le mardi-gras. Des
bals très courus des homosexuels sont organisés dans toutes les grandes
villes. Ils sont pour eux, la seule occasion de pouvoir danser
tendrement avec d'autres hommes, sous prétexte de s'amuser. Nos folles
lyonnaises décrites par M. Granchet, s'y préparent à l'avance et se
transforment en Reines de la Nuit. Il n'y a pas à Lyon un endroit,
comme le Magic City à Paris, où elles se retrouvent chaque année. Et si
elles ne peuvent pas se payer le voyage jusqu'à Paris, elles essayent
de s'imposer dans les bals lyonnais : les guinches de barrières, le Bal
du Palais d'Hiver ou les dancing de banlieue. Si le travestissement est
à la perfection, elles peuvent parfois faire chavirer les c½urs de
beaux terrassiers ou maçons, le temps d'une valse langoureuse.
La
vie des homosexuels de l'époque pouvait avoir ses moments de joie et de
fête mais ces moments rares ne cachaient pas la grande misère sexuelle
et la grande solitude dont la majorité d'entre eux devaient se
contenter. En dehors des garçons très efféminés qui ne pouvaient pas
cacher leur homosexualité et donc qui en jouait dans l'excès et
l'excentricité, tous les autres étaient condamnés à prendre une épouse,
à faire des enfants ou à embrasser une carrière militaire ou
religieuse...
Chez Gégé
La vespasienne du quai Claude
Bernard
Gégé
devant son bar, rue d'Amboise
Le Caprice
Bar, montée de la Grand'
Côte
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Sélection Hexagone Gay de chansons homosexuelles des années 30 :
- Les
archives, souvenirs personnels et témoignages recueillis par l'auteur
du site Hexagone Gay.
- La revue Gai Pied
- Les archives du Centre LGBT Paris Ile-de-France
- Collection privée de cartes postales anciennes
- Marcel GRANCHER, Lyon
la
Cendrée, Editions Lugdunum, 1937
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