Hexagone Gay





Les Années 50





Les Evenements

Années 50
LES EVENEMENTS
1952
- 1952

L'½uvre de Gide est mise à l'index par l'église catholique.
- octobre 1952

Parution du journal Futur.
1954
- janvier 1954

Premier numéro de la revue Arcadie, tiré à 2000 exemplaires.
- 26 mai 1954

Un arrêté interdit de vente aux mineurs et à l'affichage public.
1955
- août 1955

Arcadie est poursuivie pour outrage aux bonnes m½urs.
- 11 au 14 novembre 1955

Congrès international pour l'égalité sexuelle à Paris. Ce congrès est organisé par International Comitee for Sexual Equalitity.
1956
- 3 mars 1956

André Baudry est condamné à 40000 F d'amende mais Arcadie peut continuer sa parution.
1958
- 1958

Coccinnelle devient le premier transsexuel médiatique opéré français. L'opération a lieu à Casablanca.
1959
- 1959

Le roman de du Dognon, "le bel Age" est interdit d'exposition.
- mai 1959

Parution du journal Juventus.

:: POUR VIVRE HEUREUX VIVONS CACHES.
La traversée des années 40 a été un important retour de bâton pour les homosexuels. Pour la première fois depuis la révolution, la France de Vichy avait imposé une loi criminalisant l'homosexualité, comme elle avait aussi instauré des lois racistes. A la Libération, les lois racistes et antisémites ont heureusement immédiatement été supprimées. Mais le législateur a décidé, en toute conscience, le maintien des dispositions homophobes et en particulier de l'article qui condamne à de la prison toute relation homosexuelle entre personnes ou avec une personne de moins de 21 ans. La majorité sexuelle pour les hétérosexuels restant fixée à 15 ans fait que les homosexuels deviennent des citoyens de second ordre (cf années 40). Les homosexuels qui avaient eu à souffrir de l'idéologie nazie vont se terrer dans le silence car leur souffrance ne sera jamais prise en compte et sa simple expression sera un aveu de leur sexualité, toujours considérée comme une maladie mentale ou comme un fait de délinquance. Beaucoup d'homosexuels qui n'avaient pas eu à souffrir de l'idéologie nazie seront, eux, inquiétés à la Libération car le simple fait d'avoir continué à vivre normalement ne pouvait que cacher une complicité trouble avec l'occupant.
Pour la grande majorité des homosexuels qui vivaient déjà dans la honte et le refus de leur état avant guerre, les années 50 ne vont pas changer grand chose dans leur situation. Ils vont continuer à lutter contre ce qu'ils appellent "leurs tendances" et le meilleur remède restera le mariage et la fondation d'une famille. D'autres vont se réfugier dans le sport, le travail, la religion. D'autres enfin, vont détruire leur vie en se réfugiant dans l'alcool, la prostitution, la drogue, la marginalisation. Quant aux rares homosexuels qui s'assument, leur instinct de survie va les obliger à faire preuve d'une grande discrétion et à cacher leur "vice" à leur entourage. Les établissements homosexuels qui avaient commencé à avoir pignon sur rue dans les années 20 et 30, vont redevenir clandestins ou, au mieux, extrêmement discrets. En région, il n'existe que quelques établissement fréquentés par les homos dans les grandes villes (Lyon, Marseille, Toulouse, Bordeaux, Nice). A Paris, la plupart des établissements des années 40 ont fermé leurs portes et on assiste à une lente renaissance de la vie gay dans le quartier Saint Germain, sans commune mesure avec l'effervescence des années 30.
La situation française ne fait pas exception sur une planète presque totalement homophobe. En URSS et dans les pays communistes, la déportation est toujours une réalité. En URSS, on estime entre 50 000 et 60 000, le nombre d'homosexuels qui seront envoyés au Goulag. D'autres termineront sur des tables d'opérations : Electrochocs, castrations... L'homosexualité est considérée comme un vice capitaliste. Aux Etats-Unis, l'homosexuel est considéré comme une cible facile pour les espions communistes. Il est écarté de toute fonction publique ou élective. Le conservatisme religieux et le maccartysme vont obliger les homos à se regrouper en communautés. C'est la naissance des premières associations homos ("Matachine Society" à Los Angeles en 1951, "Daughters of Bilitis" à San Francisco en 1955), qui n'ont encore aucune vocation revendicative, politique ou de lobbying mais simplement d'entraides pour une communauté opprimée. En Europe la situation n'est guère plus enviable. En Allemagne, le §175 n'a pas non plus été aboli. Plus de 45 000 homosexuels sont condamnés entre 1950 et 1965 au nom du §175. La déportation des triangles roses et la disparition dans les camps de milliers d'homosexuels, durant la dernière guerre, ne sont pas reconnues. Les premières associations informelles renaissent seulement en 1955 ("Die Runde" à Reutlingen près de Stuttgart) et quelques bars très fermés réapparaissent à Berlin Ouest et dans les grandes villes. En Angleterre, l'homosexualité continue à être persécutée, comme elle n'avait jamais cessé de l'être, alors que tout dans l'éducation anglaise la favorise. De véritables chasses à l'homme suivies de procès très médiatiques touchent les homosexuels y compris dans la classe politique ou chez les artistes. Durant les années 50, c'est chaque année plus de 2000 homosexuels qui sont arrêtés et condamnés en Angleterre. Les tasses font régulièrement l'objet de pièges tendus par la police pour mettre fin au "cottaging", la drague dans les pissotières. L'Italie reste extrêmement catholique et puritaine, les premiers romans de Pasolini font l'objet de procès pour "obscénité". En Espagne,l'église catholique et le franquisme interdisent toute expression homosexuelle. Les pédés sont enfermés dans des établissements de "ré-éducation sociale" car considérés comme des "périls sociaux". Les artistes homosexuels sont condamnés à l'exil. L'hôpital psychiatrique reste la seule alternative pour l'homosexuel qui refuse le mariage. La Hollande et la Suisse semblent être les pays les plus tolérants avec la Scandinavie. En Hollande, un journal homosexuel est lancé dès 1945, "Levensrecht". En Suisse, beaucoup d'homosexuels allemands s'étaient réfugiés à Zürich durant la guerre. "Der kreis" est le plus ancien et le plus célèbre journal homophile du monde. Il a des abonnés dans toute l'Europe.




Futur:: PARUTION DU PREMIER JOURNAL HOMOSEXUEL DE L'APRES GUERRE : FUTUR.
En 1952, parait en France pour la première fois depuis 1925, un journal destiné aux homosexuels. "Futur", lancé par un jeune de 22 ans, Jean Thibault, est résolument un journal engagé. Il s'attaque aux lois discriminatoires, à l'ordre moral inspiré par la religion catholique, aux hommes politiques de droite et en particulier au député MRP homophobe Pierre-Henri Teitgen, qui devient la bête noire du journal. Assez parisianiste, Futur dénonce les contrôles policiers dont sont l'objet les établissements homosexuels du quartier Saint Germain. Les lesbiennes sont aussi absentes des articles de Futur qui ne s'intéresse qu'à l'homosexualité masculine. Il n'hésite pas à publier des photos de jeunes éphèbes, alors que toute relation homosexuelle avec des jeunes de moins de 21 ans est encore interdite. Le journal a une parution mensuelle sur 4 pages grand format. Dès le deuxième numéro, il est interdit d'affichage, en vertu de la loi sur la protection de la jeunesse de 1949. En 1953, la justice essaiera d'atteindre son responsable en l'inculpant en raison d'une relation avec un mineur de moins de 21 ans. Il fera plusieurs mois de prison qui empêcheront la parution du journal dont il assure presque seul la rédaction. Mais Futur réapparaît dès sa libération.
En 1956, Futur est condamné pour outrage aux m½urs et il est contraint de cesser sa parution après avoir publié 19 numéros. Pour éviter un nouvel emprisonnement, Jean Thibault s'enfuit à l'étranger.
Futur restera néanmoins un journal totalement en décalage avec les m½urs de l'époque et ses articles d'une incroyable liberté de ton, progressistes et provocateurs ont certainement contribué à déculpabiliser et décoincer de nombreux homosexuels. Futur et son expérience vont inciter d'autres homosexuels à lancer des revues, en évitant les écueils qui ont condamné Futur à la disparition.



:: NAISSANCE DE LA PREMIERE ORGANISATION HOMOSEXUELLE FRANCAISE : ARCADIE. LES HOMOSEXUELS DEVIENNENT LES HOMOPHILES.
ArcadieLa répression aura le mérite de solidariser les homosexuels entre eux et, malgré l'adversité, un homme courageux va lancer en France, la première organisation homosexuelle du pays. André Baudry, ancien séminariste, est né en 1922. Dès le début des années 50, il est le correspondant pour la France du journal suisse "Der Kreis", "La Croix", dans lequel il écrit des articles sous pseudonyme. En 1954, il décide de lancer la revue "Arcadie" parallèlement à la revue "Futur" lancée depuis 1952 et à laquelle il a aussi brièvement participé en écrivant deux articles. Il reçoit le soutien d'écrivains homosexuels et d'intellectuels. André du Dognon, Roger Peyrefitte, Jacques de Ricaumont, Marc Daniel et Jean Cocteau seront les premiers d'entre eux. Arcadie, avant d'être un mouvement, est donc une revue. Dès lors, il considère que le terme "homosexuel" réduisant les êtres à leur sexualité, le terme "homophile" est préférable, car il signifie "ceux qui aiment leurs semblables" en dehors de toute considération sexuelle. Pour André Baudry, l'homophile, pour être respecté par la société, doit d'abord être respectable, c'est à dire être discret et bannir un comportement efféminé dont l'outrance justifie le rejet des autres. Il prône donc l'intégration dans la société, l'acceptation des valeurs morales et religieuses et rejette ce qu'il considère comme les ghettos homosexuels (lieux de rencontres, bars, saunas, vespasiennes). Tout en n'ayant plus honte de sa sexualité et en l'assumant, l'homophile doit devenir un être exemplaire et bien intégré. Evidemment, cette position va être considérée comme réactionnaire et conservatrice par ceux, encore très minoritaires,  qui commencent à penser que l'homosexualité doit, au contraire, être révolutionnaire et provocatrice. La revue Arcadie va donc refléter cette doctrine. Elle propose des articles scientifiques sur l'homosexualité mais aussi des poèmes et des textes écrits sous pseudo dont la pudeur ne risque pas d'effaroucher les âmes sensibles. Les observateurs s'accordent sur les qualités littéraires de la revue, qui contrairement à Futur, aborde des réflexions de fond et ne se contente pas d'être revendicative. Quelques articles seront  destinés aux lesbiennes mais ils seront extrêmement minoritaires. La forme de la revue Arcadie est sobre et austère, aucune photo, ni même en couverture, et une soixantaine de pages sans fioritures, à part quelques dessins très chastes. Malgré tout, elle est interdite d'affichage et de vente aux mineurs. Baudry est obligé de la diffuser par abonnement, et contre toute attente, les abonnés vont passer de quelques dizaines à quelques centaines, puis à quelques milliers.  Arcadie va permettre à beaucoup d'homosexuels français de découvrir qu'ils ne sont pas seuls au monde et les abonnés vont constituer une communauté.
ArcadiePeu à peu, Arcadie devient un véritable club et André Baudry va aussi organiser des rencontres avec ses abonnés à Paris dans divers lieux publics. A partir de 1954, Arcadie organise un grand banquet annuel avec tous ses abonnés. En 1955, André Baudry est poursuivi pour outrage aux bonnes m½urs sous prétexte que la revue a pour but une "reconnaissance officielle du droit à l'homosexualité". Certains articles passés de la revue sont cités au procès qui se déroule le 3 mars 1956. Le tribunal reconnait la qualité littéraire de la revue et sait que le seul motif qui la condamnerait est un contenu mettant en cause des mineurs de moins de 21 ans. Quelques articles passés vont présenter une ambiguïté sur le sujet mais pas suffisamment pour entrainer l'interdiction d'Arcadie. André Baudry est condamné à 40 000 francs d'amende, à la destruction des numéros incriminés mais la revue n'est pas interdite. L'épisode aura eu le mérite de fixer les lignes à ne pas franchir. En avril 1957, Arcadie emménage dans un petit local situé au 6e étage d'un immeuble du 19 rue Béranger (Paris 3e) où auront lieu désormais les rencontres. Cette même année, afin d'offrir des services supplémentaires à ses chers abonnés, André Baudry, va fonder un club, le Clespala (Club Littéraire et Scientifique des Pays Latins). Prudent, il évite toute allusion à l'homosexualité dans le nom et l'objet et choisit la forme d'une SARL, plus difficile à neutraliser par les autorités. Pour être membre du Clespala, il faut donc avant tout être abonné à la revue Arcadie. Puis parallèlement à l'envoi de la revue, le Clespala va aussi envoyer une lettre d'information puis des feuilles dactylographiées d'annonces de rencontre et des photos. On est donc dans le domaine de la correspondance privée qui ne relève pas des lois sur les organes de presse.  Les rencontres au club rue Béranger se terminent parfois par des soirées dansantes. C'est le seul endroit à Paris où les garçons peuvent danser entre eux sans être inquiétés puisque le lieu est privé, mais Baudry reste très prudent et refuse tout mineur de moins de 21 ans et tout flirt dans le local. Il essaie aussi de s'attirer les bonnes grâces de la police des m½urs en l'informant régulièrement de ses activités et en l'invitant lors de soirées publiques. 



Juventus:: TROISIEME JOURNAL HOMOSEXUEL : JUVENTUS.
Le 15 mai 1959, une troisième publication homosexuelle fait son apparition. Yves Baschey et Jean Basile lancent la revue "Juventus" qui se démarque des positions trop soumises de la revue Arcadie. Mais comme Arcadie, Juventus dénonce les folles et la mauvaise habitude qu'ont certains homosexuels de singer les femmes par des comportements outranciers. Comme Arcadie, Juventus est une revue littéraire, mais elle rejette le terme "d'homophile" et lui préfère "homosexuel".
Sur 50 pages, les articles et photos de Juventus sont orientés vers la santé, le corps, la nature, la jeunesse et la revue revendique une plus grande modernité qu'Arcadie. Les articles de Juventus sont plus légers et accessibles que ceux d'Arcadie mais traitent aussi de la littérature et des recherches scientifiques sur l'homosexualité. Des critiques de livres, des poèmes, de l'actualité complètent son contenu. Les rédacteurs de Juventus signent tous sous pseudonyme comme à Arcadie. A partir de son deuxième numéro, la revue prend un aspect plus moderne et agréable avec un papier de bonne qualité et de nombreuses photos de beaux garçons.
Juventus aura une existence très éphémère puisqu'elle disparait en mai 1960, accusée, elle aussi, d'outrage aux m½urs et donc interdite de vente aux mineurs et d'affichage. Elle n'aura pas le temps de constituer un fichier d'abonnés suffisant puisqu'ils ne dépasseront pas les 300. Il y aura eu 9 numéros. Jean Basile quittera la France pour le Canada en 1960 et continuera à y mener une carrière militante.




:: AUTRES JOURNAUX.
MusclesQuelques tentatives de lancements de journaux homosexuels ont émaillé les années 50 : Gioventù, Prétexte. Ces revues parfois très élitistes ont été éphémères.
"Prétexte" est lancée en 1952 par Jean-Jacques Thierry et Jean-Louis Ornequint. La revue est entièrement consacrée aux écrits d'André Gide, mort en 1951. Elle ne publie apparemment que deux numéros en février et novembre 1952. Puis elle est relancée en janvier 1958 avec un numéro consacré exclusivement à la littérature homosexuelle. Il semblerait qu'elle ne publie aussi que deux numéros en 1958.
Entre temps, Jean-Jacques Thierry lance en septembre 1956 la revue Gioventù qui s'inspire pour la forme de la revue Arcadie, mais se revendique plus culturelle dans le contenu qui est effectivement très élitiste et toujours proche de la pensée de Gide. La revue s'arrêtera aussi au bout du deuxième numéro en octobre 1956.
En revanche, comme dans les années 30, s'il n'existe pas encore de presse de charme homosexuelle, les revues culturistes se vendent sous le manteau. La plupart sont éditées dans les pays anglo-saxon comme "Body Beautiful", "Physic Artistry" ou "Muscles" revue en français éditée en Belgique. 



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RESSOURCES EXTERIEURES
Les années 50
:: Sources : :: Sites internet :
- Didier Eribon, Dictionnaire des Cultures Gays et Lesbiennes, Larousse, 2003
- Collectif, Dictionnaire de l'Homophobie, Puf, 2003
Christopher Miles, Arcadie, ou l'impossible éden , La Revue h, n° 1, 1996.
- Georges Sidéris, Des folles de Saint-Germain-des-prés au fléau social, in E. Benbassa et J.-C. Attias, La Haine de soi, Bruxelles, Complexe, 2000.
- Julian Jackson, Arcadie : La vie Homosexuelle en France, de l'après-guerre à la dépénalisation, Ed. Autrement, Paris, 2009.
- Jacques Girard, Le Mouvement homosexuel en France, 1945-1981, Syros, 1981.
- Scott Gunther, The Elastic Closet:  A History of Homosexualitiy in France - Palgrave, Janvier 2009
- Jeffrey Merrick, Michael Sibalis, Homosexuality in French History and Culture, Editors.
- Page bien documentée sur Arcadie :
http://www.france.qrd.org/media/revue-h/001/arcadie.html



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