PARIS
DANS
LES ANNEES 50. Après
le "trou d'air" de la Libération qui a abattu en
plein vol
quelques établissements qui avaient eu la mauvaise
idée de continuer à
faire du commerce sous l'occupation, la vie gay
parisienne va renaître
peu à peu dans les années 50. Mais son centre de
gravité va peu à peu
quitter le quartier Montmartre, qui conservera
encore quelques beaux
fleurons, pour gagner le Saint Germain des
poètes et des artistes. Montparnasse, encore
fréquenté durant
l'occupation par les zazous et les homosexuels, va
lui aussi être
déserté par ces derniers.
A
PARIS
SAINT GERMAIN
LES
CAFES
-
Le Café de Flore
172 bd Saint
Germain (6e)
-
Le Royal Saint
Germain
149
bd Saint Germain (6e)
-
La Reine
Blanche
155
bd Saint Germain (6e)
LES
BARS CLUBS
-
Le Fiacre
4
rue Cherche Midi (6e)
-
L'Apollinaire
-
La Pergola
1
rue du Four (6e)
::
QUARTIER
SAINT GERMAIN DES
PRES. LES
CAFES - BARS - CLUBS.
Si le Montmartre d'avant guerre était le centre de
l'homosexualité
clandestine et interlope, le Saint-Germain des
années 50 va être celui
de la visibilité homosexuelle. Le quartier tout
entier vibre sur un air
de liberté, de non conformisme, de tolérance
insufflé par les
existentialistes comme Jean-Paul Sartre et Simone
de Beauvoir et par de
nombreux artistes et écrivains. On y croise Jean
Cocteau, Jean Marais,
Jean Genet, Boris Vian, Juliette Gréco...
Les existentialistes sont les successeurs des
zazous des années 40. Ils
ont leurs codes vestimentaires, leurs lieux de
rencontre, leur mode de
vie qui gravite autour de la fête, de la vie
nocturne mais aussi d'un
goût certain pour l'art, la poésie, les
intellectuels. Si l'esprit de
Rimbaud trouve son aboutissement à Saint-Germain
avec 80 ans de retard,
les homosexuels parisiens de l'époque se sentent
en symbiose totale
avec cet esprit et leur forte présence et
visibilité dans le quartier
ne peut être dissociée du mouvement
existentialiste.
Les
lieux
les plus emblématiques du quartier sont la
Brasserie Lipp, le
Café de Flore, les Deux Magots. Les homosexuels
s'y affichent de
manière décomplexée, sans retenue, avec beaucoup
d'excentricité
vestimentaire et verbale. Beaucoup d'homosexuels
de province mais aussi
parisiens, dont les fondateurs du Club Arcadie, ne
se reconnaissent pas
dans "les folles" de Saint-Germain des Pré,
accusées de donner une
image ridicule des homosexuels. Mais cette
confusion des sexes, avec
des filles très masculines et des garçons très
féminins, est à la base
de ce mouvement en forte réaction contre la
génération précédente qui
avait quand même poussé l'intolérance à son
paroxysme et dont le
conformisme avait permis à quelques leaders
d'entraîner les foules sans
résistance
dans
leur sillon criminel.
"Le
Café
de Flore"
et ses folles chantés par Nicolas Peyrac 20
ans plus tard, n'est pas
une légende. Si les homos sont très nombreux
en terrasse, ils occupent
quasi exclusivement le premier étage de la
brasserie et en feront leur
lieu de rendez-vous préféré dans les années
50 et 60. (cf : Café
de Flore).
Si
le Flore est
fréquenté essentiellement
l'après-midi, la locomotive des nuits gay de
Saint Germain s'appelle "Le
Fiacre".
Cet établissement, situé 4 rue Cherche Midi,
est un bar-restaurant à
la clientèle internationale ouvert par Louis
Baruc que tout le monde
appelle "Loulou", voire "Louise". Loulou
avait débuté chez Maxim's et
travaillé au Fouquet's
avant de racheter le Fiacre en 1950.
D'origine basque, il ne peut
dissimuler une attitude très
efféminée derrière
ses
grosses moustaches.
Il accueille immanquablement les clients
par un
"Qu'est-ce que vous prendrez délicieux amis
?" à l'accent rocailleux et
ses poignées de mains
sont très caressantes. Au rez-de-chaussée,
c'est le bar au décor chic et sobre en
acajou et à la musique en
sourdine pour permettre les conversations.
Il ouvre dès 19h et attire
uniquement des garçons mais de toute
condition et de tout âge même si
la tenue doit
rester correcte. C'est le compagnon de
Louis, Charles Ferré, qui
officie au comptoir. A l'étage c'est le
restaurant plus mixte et
plus
élitiste puisque fréquenté par le tout Paris
du show-business, acteurs
et actrices en vogue, chanteurs à la mode,
producteurs, grands
couturiers...
L'ambiance y est décontractée, décomplexée
et conviviale, les
rencontres y sont nombreuses, la popularité
de l'établissement fait
qu'il ne peut contenir tout le monde et que
la foule des clients
déborde sur le trottoir chaque soir. Le
Fiacre est connu des
homosexuels du monde entiers et contribue
largement au renouveau de
Paris comme capitale européenne de
l'homosexualité. Mais cette
popularité n'empêche pas les nombreux
contrôles de police et les tracas
dont sont toujours sujets les bars
homosexuels. A l'époque, la majorité
pour les homosexuels était fixée à 21 ans,
et le fait de trouver un
mineur dans un bar homo signait
systématiquement sa fermeture. Le
Fiacre a toujours échappé, parfois de peu, à
une fermeture définitive
et a réussi avec une belle vigueur à
traverser les années 50.
"La
Reine
Blanche"
a également une clientèle majoritairement
homosexuelle de toutes
classes sociales. De nombreux gigolos
fréquentent l'établissement.
Lorsqu'il fermera à la fin des années 50,
ses clients se retrouveront
au premier étage du Café de Flore,
augmentant encore un peu plus le
caractère homosexuel de ce dernier.
"Le
Royal
Saint Germain",
à l'angle de la rue de Rennes et du
boulevard Saint Germain, qui
deviendra en octobre 1965, après de gros
travaux, le drugstore Publicis
Saint Germain,
est un
café brasserie bon marché et très à la mode.
Les jeunes homosexuels y
font terrasse. "L'Apollinaire",
chic et viril,va
ouvrir
dans le quartier au début des années 50.
"La
Pergola"
est une brasserie plutôt glauque située à
l'angle de la rue du Four et
du Boulevard Saint Germain. Elle est
fréquentée par les gigolos.
Dans
les années 50 les lesbiennes
ne
disposent pas d'établissement spécifique
dans ce
quartier même si Natalie Clifford Barney y
tient toujours son salon au
20 bis rue Jacob.
NAISSANCE
DES
PREMIERES DISCOTHEQUES.
Pendant
la
guerre,
le jazz étant plus ou moins interdit en
raison de ses origines
noires et américaines, un établissement de
la rue de la Huchette, nommé
"La Discothèque" aurait fait écouter en
cachette à ses clients des
disques de jazz et de swing. Dans
les années 50, l'ensemble des établissements
de danse étaient dotés
d'orchestres. Depuis 1947, un nommé Paul
Pacini va créer à Paris un
établissement de danse qui remplace
l'orchestre par un juke-box. C'est
la naissance du "Whisky à Gogo", première
discothèque de Paris, de
France et probablement du monde.
L'établissement va faire de
nombreux petits à
Paris et à travers la France. En 1952, une
de ses employées, de
l'établissement de la rue de Beaujolais, va
se substituer au juke-box
en
lançant elle même les disques. C'est Régine.
Elle ouvre son premier
club en 1956 à Saint Germain, rue du Four,
"Chez Régine". Même si
l'endroit n'est pas une discothèque
homosexuelle, les homos la
fréquenteront assidument, à commencer par
l'écrivain Françoise Sagan.
Alors que partout ailleurs c'est encore
difficile, d'autres
établissements de ce quartier, comme le très
chic "Chez Castel",
verront les clientèles homo et hétéro se
mélanger, à condition toute
fois que les homosexuels s'y montrent
discrets et pas trop
démonstratifs. Même si le phénomène des
discothèques va aussi faire son
apparition dans d'autres endroits comme dans
le quartier gay de
New-York ou à Londres, Saint-Germain des
Prés sera incontestablement un
des lieux où furent construites les
premières fondations du clubbing
qui connaitra son véritable essor dans les
années 70.
::
QUARTIER
MONTMARTRE - PIGALLE.
Après l'ouverture des cabarets "Le
Fétiche", "Entre
Nous", "Madame
Arthur"
à la fin des années 40, le quartier
semble chercher une
nouvelle voie
auprès de la clientèle homosexuelle et en
particulier auprès des jeunes
qui le désertent au profit de Saint-Germain.
Plusieurs
nouveaux
établissements
vont ouvrir leurs portes mais sans grand
succès : "Mon
Club", "La
Licorne", "l'Hélicoptère"
ouvrent tous les trois dans le quartier. Sur
la Place Blanche, le
célèbre cabaret de l'entre deux guerres, "le
Liberty's",
véritable phare de la vie gay du quartier,
va fermer ses portes en
1958. Rue Cavalotti, "L'Arlequin-Bar"
tente
de séduire une clientèle internationale dans
son dancing mais
l'interdiction de danser entre hommes ne
facilite pas la vie de ce
genre d'établissement. "Le
Coup
de Frein",
à la foi bar et restaurant sera un des rares
établissements fréquenté
par André Baudry, le fondateur du club
Arcadie, dont il fera une
publicité dans sa revue.
Moune
Carton, qui avait été à l'origine du
Fétiche, va ouvrir son cabaret
féminin "Chez
Moune"
au 54 rue Pigalle. Cette adresse
abritait dans les années 30
un cabaret
de Jazz, "l'Heure Bleue". Le quartier se
spécialise peu à peu dans deux
directions : le cabaret avec spectacle de
travestis festif et le bar
lesbien. Les bars et cafés de l'avant
guerre, fréquentés par les
prostitués masculins, les travestis et la
pègre vont continuer à l'être
par la pègre mais pour une clientèle
hétérosexuelle. Pigalle va prendre
son orientation hétéro avec de nombreux bars
de filles et
d'entraîneuses puisque désormais, les
prostituées sont condamnées à
exercer leur coupable métier sur le
trottoir, depuis la fermeture des
maisons closes.
A
PARIS
RUE SAINTE ANNE
LES
BRASSERIES
-
Le Royal Opéra
19 avenue de
l'Opéra (1er)
LES
BARS CLUBS RESTAURANTS
-
Le Vagabond
14
rue Thérèse (1er)
-
Le César
4
rue Chabanais (2e)
LES
CABARETS
-
La Vie
Parisienne
12
rue Sainte Anne (1er)
-
Aux Quatre
Mules
32
rue Sainte Anne (1er)
-
Chez
Agnès Capri (Cabaret théâtre Agnès Capri)
5
rue Molière (1er)
::
QUARTIER
DE
LA RUE SAINTE ANNE.
Ce quartier avait vu l'éclosion de quelques cabarets
lesbiens avant
guerre. La "Vie
Parisienne" de
Colette Mars y attire toujours sa clientèle fidèle
de l'avant guerre.
En 1954, Sidonie Baba relance sa boite des années 30
de la rue Sainte
Anne ("à l'Heureuse Galère") en l'appelant
désormais "Aux
quatre Mules".
Entre 1945-1949, Agnès Capri relance son cabaret du
5 rue Molière (qui
devient le "Cabaret-théâtre Agnès Capri), qu'elle
tiendra jusqu'en
1958. Sur l'Avenue de l'Opéra, à deux pas de
la rue Sainte Anne, à l'extrémité de la rue des
Pyramides, "Le
Royal Opéra"est
une brasserie hétérosexuelle mais son ouverture
toute la nuit
attire vers elle une clientèle de gigolos. La
direction de
l'établissement sera d'ailleurs plutôt homophobe et
des clients
l'attaqueront même pour refus de vente et injures.
Le 14 juillet 1956,
le
bar-restaurant "Le
Vagabond"
ouvre ses portes à l'angle de la rue Sainte-Anne et
de la rue Thérèse.
Il deviendra rapidement un des pilier du quartier et
sera toujours là
50 ans plus tard. Trois ans plus tard, en
1959, c'est "le
César"
qui s'installe un peu plus loin au 4 rue Chabannais.
C'est un couple de
lesbiennes qui ouvre cet établissement réservé aux
homosexuels des deux
sexes. Lui aussi, après une éclipse hétérosexuelle
dans les années
70-80, redeviendra un bar gay dans les années
90-2000. Ces quelques
établissements ne sont pas encore suffisants pour
détrôner la
popularité de Montmartre ou de Saint Germain auprès
des homosexuels
mais
ils vont constituer les fondations de la vie
nocturne de ce quartier
qui va "exploser" dans les années 60.
A
PARIS
AUTRES QUARTIERS
LES
BARS CLUBS
-
Le Boeuf sur le Toit
34
rue du Colisée (8e)
-
Chez Charliy
9
rue d'Argenteuil (1er)
-
Le Chelem
24
rue Pasquier (8e)
-
Le Festival
22
rue du Colisée (8e)
-
Suzy Solidor
4
rue Balzac (8e)
LES
DANCINGS
-
Le Carroll's
36
rue de Ponthieu (8e)
LES
CABARETS
-
Le Carroussel
de Paris
40
rue du Colisée (8e)
-
Le Monocle
60
boulevard Edgar Quinet (14e)
-
Elle et Lui
31
rue Vavin (6e)
::
LES
AUTRES
QUARTIERS.
Le
8ème
et le 9ème arrondissement entre les Champs Elysées
et les grands
boulevards, un des centres de la vie homosexuelle
entre les deux
guerres, est en perte de vitesse mais conserve
encore un grand nombre
d'établissements. "Le
Carroll's", 36 rue de Ponthieu,
récemment ouvert
par Frede, y tient le haut du pavé et reste la boite
à la mode des années
50. "Le B½uf sur
le
Toit",
rue du Colisée perd peu à peu sa spécificité
homosexuelle. Mais dans
cette rue,
Monsieur Marcel, propriétaire de "Madame Arthur" à
Montmartre, va
reprendre aussi "Le
Carrousel
de Paris" qui va acquérir
une renommée internationale par ses spectacles de
qualité. Certains
transformistes et transsexuels, rodés chez Madame
Arthur, vont y
gagner une renommée mondiale car la troupe du
Carrousel de Paris va se
produire à travers l'Europe. Dans ce quartier, "Le
Chelem", 24
rue Pasquier, est
un bar
discret signalé juste par deux
petites lampes à l'extérieur. "Le
Festival",
au 22 rue du Colisée, présente des artistes,
Aznavour y fit ses débuts
ainsi qu'une égérie des homosexuels de l'époque, la
chanteuse
"Morgane". Suzy Solidor (cf portrait de Suzy
Solidor),
de retour des Etats-Unis, où elle s'est éloignée
après ses ennuis de la
libération, va reprendre un ancien cabaret situé au
4 rue Balzac, pour
en faire "Chez Suzy
Solidor".
A Montparnasse, le quartier homo des
années 30, la quasi totalité des établissements a
perdu sa spécificité,
à part le cabaret lesbien "le
Monocle"
qui reste un des principaux bars de filles de la
capitale depuis les
années 30. En 1959, Monsieur Marcel va ouvrir
aussi dans le
quartier un cabaret lesbien rue Vavin : "le
Elle et Lui", le
cabaret où la femme est roi.
D'autres bars auront une certaine popularité auprès
des homos parisiens
bien que situés dans des quartiers moins fréquentés
par les homos : "Chez
Charly", 9 rue
d'Argenteuil (1er).
En banlieue, le "Club
Port
Royal",
guinguette du bord de Marne à Nogent est un club
homosexuel discret où
les messieurs peuvent danser entre eux au son d'un
orchestre, mais à
condition d'être membre du club car l'endroit n'est
pas ouvert au
public et aux non membres. Toute sa publicité est
basée sur la bonne
tenue que les homosexuels se doivent d'avoir pour
mériter la
respectabilité : il est indiqué clairement "Au Club
Royal, pas de ces
plaisanteries de mauvais goût qu'on voudrait
rituelles, pas de ces
confusions vestimentaires consacrées par des
tenanciers abusifs..."
AMAZON.FR
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Livres et
DVD sélectionnés sur
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Sélection
de succès des années 50 sur
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Sélection
Hexagone Gay de chansons
homosexuelles des années 50 :
-
Didier ERIBON, Dictionnaire
des Cultures Gays et
Lesbiennes, Larousse, 2003
- Florence TAMAGNE, Revue
d'Histoire
moderne et contemporaine, Ecrire l'histoire des
homosexualités en Europe : XIXe - XXe siècles.
tome 4,
Editions Belin, 2006
- Jean-Louis CHARDANS, British
group
of sexological research, History and antology of
homosexuality,
histoire et anthologie de l'homosexualité,
Centre d'Etudes
et de Documentations Pédagogiques Paris, 1970
- Iconographie : Collection privée de Cartes
Postales
-
Remerciements à Eric pour ses précisions sur les
adresses parisiennes.
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