PARIS
DANS LES ANNEES 1900. Le
métro, le cinéma, le train, les gares et le nouveau Paris du Baron
Haussmann vont bouleverser la vie des parisiens en ce début de siècle
qui va connaître ses grands moments de joie mais aussi de malheurs.
Les homosexuels parisiens vont commencer tout doucement à transformer
leur capitale en ville la plus gay d'Europe si l'on excepte Berlin qui
semblait avoir déjà une longueur d'avance sur Paris. Si le monde de la
prostitution et celui des homosexuels sont encore confondus, on assiste
peu à peu à l'éclosion de lieux festifs où la convivialité se substitue
peu à peu à la consommation sexuelle. On peut considérer qu'en ce début
de siècle les homosexuels posent les premières pierres d'une culture ou
subculture qui leur sera propre, avec ses codes, ses parcours, sa
diversité.
::
LES LIEUX DE RENCONTRE EXTERIEURS.
Si
les lieux de rencontre extérieurs connaissent toujours le succès qu'ils
avaient durant le siècle précédent, on assiste à une évolution
géographique de la drague à Paris. Les vespasiennes restent les
principaux points de rencontre et notamment celles des Grands Boulevards
mais aussi des Champs
Elysées. Les parcs, comme le Jardin
des Tuileries et ceux du Palais
Royal, ont
toujours leurs adeptes. En
revanche, les passages couverts qui avaient la réputation d'être des
lieux de rencontre au 19e siècle, sont peu à peu désertés par les
homosexuels. Ces derniers ont désormais trouvé de nouveaux terrains de
chasse plus pratiques et surtout très fréquentés en jeunes garçons avec
les militaires nombreux à cette époque : Les gares qui
s'implantent à
Paris depuis le milieu du siècle précédent, avec le développement du
chemin de fer, sont désormais, et pour longtemps, des lieux de
rencontres très prisés. Deux nouvelles gares apparaissent en 1900,
notamment la nouvelle gare de Lyon et la gare d'Orsay. Mais l'événement
majeur de ce début de siècle est l'ouverture du métro parisien. Les
nouvelles stations de métro, comme les gares, attirent dès le début,
les homosexuels en quête de rencontres. Enfin les quartiers de
Montmartre et Pigalle (place
Blanche, place Pigalle, place de Clichy, boulevards de Rochechouart et
de Clichy) sont très fréquentés par les prostitués
masculins.
A PARIS
LES
CAFES - BARS - BRASSERIES
- Le Palmyre
5 Place
Blanche (9e)
- Le Maurice's Bar
rue Duperré (9e)
- Le Grand Café
4 bd des Capucines (9e)
- Le Café de Bade
26 boulevard des
Italiens (9e)
- Le Café de la
Paix
12 Boulevard des
Capucines (9e)
- Le Café des Ambassadeurs
1-3 rue Gabriel (8e)
LES
BALS
- Le Bal du
Saumon
Passage Ben Aïd
(2e)
- Le Bal de
l'Opéra
rue Lepeltier
(9e)
- Le Bal Wagram
(Bal des Ternes)
Rond Point des
Ternes (17e)
- Le Bal Bullier
31-39 avenue de
l'Observatoire (14e)
- Le Bal des
Quat'z Arts
72 boulevard
Rochechouard (18e)
- Le Bal des
Tatas
rue d'Aboukir
(2e)
LES
CINEMAS
- Le Parisiana
27 boulevard
Poissonnière (2e)
LES
BAINS
- Les Bains
d'Angoulême
- 4 bis rue de
la Pierre Levée (11e)
- Les Bains de
Penthièvre
30 rue de
Penthièvre
- Les Bains
Hammam
63 rue du
Cardinal Lemoine (5e)
- Les Bains
Voltaire
93 rue de la
Roquette (11e)
- Les Bains de
la rue d'Oberkampf
160 rue
d'Oberkampf (11e)
::
LES CINEMAS.
La
première projection publique et payante de films à Paris a été
organisée par les frères Lumière le 28 décembre 1895 au Grand Café. Le
théâtre Parisiana
proposait
déjà "Le Kinéphone", une sorte de gramophone doté d'un objectif
présentant des dessins animés. Cette salle sera aussi une des premières
à proposer des séances de cinéma payantes. Les promenoirs du Parisiana
étant déjà un haut lieu de rencontres homosexuelles lorsqu'il était un
théâtre-music-hall, désormais avec l'obscurité plus profonde, il sera,
comme de nombreux cinémas, un incontournable de la drague masculine. Il
faut noter que les hétérosexuels en étaient aussi friands. Certaines
salles étaient aussi pour eux des lieux de rencontres où les femmes
seules, mais bien averties, profitaient de l'obscurité pour se laisser
approcher.
:: LES
CAFES ET LES BARS.
Madame
Palmyre, immortalisée par Toulouse Lautrec, après avoir exploité un
premier café-restaurant où les homosexuels des deux sexes pouvaient se
retrouver (la Souris rue Breda), va ouvrir un établissement qui sera, sous
différents noms, un haut lieu de l'homosexualité à la Belle Epoque mais
aussi jusque dans les années 60. "Le Palmyre"
ouvre
au 5 place Blanche et ce sont les lesbiennes qui constituent, à
l'époque, l'essentiel de la clientèle. Le "Maurice's Bar" rue
Duperré, est aussi un établissement de rencontres sages qui nait avec
ce siècle.
En
dehors de ces lieux, contrairement à Berlin où de nombreux bars et
restaurants très conviviaux sont fréquentés exclusivement par une
clientèle homosexuelle, les établissements parisiens sont
essentiellement des bars glauques de prostitués et détenus par la
pègre. La police en recense environ 110 à Paris. Ils sont concentrés
essentiellement dans le 9e arrondissement mais aussi dans le 2e, le 10e
et le 18e arrondissement. La rue Godot de Mauroy dans le 9ème semble la
rue la plus fournie en établissements de prostitution masculine. Il
existe également des maisons clauses spécialisées pour les pédérastes,
notamment au 68 rue du Château d'Eau et au 16 quai de l'Hôtel de Ville.
Autre établissement de sexe, le hammam de la Rue du Cardinal Lemoine
est le plus fréquenté. Ces établissements
font régulièrement l'objet de fermetures par la police et ils ont donc
des durées de vie très éphémères et des changements de noms fréquents.
A
cette époque la Police des m½urs est très active à Paris et même Le
Palmyre et le Maurice's bar feront l'objet d'une descente de police
musclée en 1909. C'est pourquoi beaucoup d'homosexuels préfèrent se
rencontrer dans des établissements grand public où ils ont leurs
habitudes et leurs codes pour se reconnaître entre eux. Les grandes
brasseries parisiennes qui ouvrent en ce début de siècle seront très
prisées par les homosexuels qui cibleront certaines salles. "Le Grand Café", "Le Café de Bade"
(62 boulevard des Italiens), "Le
Café de la Paix" (boulevard des Capucines), "Le Café des Ambassadeurs"
(Champs Elysées) seront inscrits dans les carnets d'adresses des
pédérastes de ce début de siècle. Au Café de la Paix, ils ont colonisé
l'une des deux terrasses à tel point qu'on l'appelle "la terrasse du
coté des Dames".
::
LES
ETABLISSEMENTS DE BAIN.
Les établissements de bains connaissent depuis le milieu du siècle
précédent, une fréquentation assidue des homosexuels. Comme les
vespasiennes, ils font l'objet de contrôle de police fréquents :
descentes de polices impromptues, surveillance par des agents en civil
(en serviette de bain)... Chaque fois qu'un acte sexuel commis en
public est constaté, l'établissement est fermé et les clients arrêtés
pour outrage public aux bonnes m½urs. Les établissements les
plus connus à Paris, sont les "Bains
d'Angoulême", occupant deux niveaux et offrant tous les
services : sauna sec, hammam, piscines, douches collectives, salles de
repos, bar, massages... les "Bains
de Penthièvre", objet d'un scandale en 1891, seront
particulièrement surveillés par la Police mais passeront toujours à
travers les mailles du filet, alors que leur réputation est
grandissante dans le milieu homosexuel de la capitale.
::
OUVERTURE
DU PREMIER SALON LITTERAIRE LESBIEN.
C'est en octobre 1909 qu'une riche héritière américaine, Nathalie
Clifford Barney, va ouvrir à Paris au 20 rue Jacob, un salon littéraire
qu'elle va tenir durant plus de 60 ans. L'endroit comprend une cour
intérieure, un petit pavillon, un jardin et un temple d'inspiration
grecque "le Temple de l'Amitié". Le salon littéraire se tient
généralement dans le petit pavillon les vendredis. Nathalie Clifford
Barney va recevoir dans son salon toute l'intelligencia homosexuelle et
lesbienne internationale de passage à Paris.
::
LES BALS.
A une époque où les discothèques ou les dancings ne sont pas encore
inventés, Paris est réputée pour ses bals. De très nombreuses salles
proposent des bals avec orchestre tout au long de l'année. S'il
n'existe pratiquement pas de salles fréquentées exclusivement et
systématiquement par les homosexuels, certaines soirées leur sont plus
ou moins réservées du moins officieusement. Parmi les bals les plus
réputés auprès des homosexuels parisiens, le "Bal du Saumon"
(passage Ben Aïd dans le 2e), le "Bal
de l'Opéra" (rue Lepeletier dans le 9e), le "Bal Wagram", appelé
aussi "Bal des Ternes" (place
des Ternes, anciennement rond-point des Ternes). A l'époque, le
travestissement est totalement interdit, et une tenue trop féminine
pour un homme ou trop masculine pour une femme peut leur coûter de la
prison. Il n'y a qu'une seule journée dans l'année où le
travestissement est autorisé, c'est celle du mardi gras pour le
carnaval. Autant dire que beaucoup d'homosexuels et de travestis
attendent avec impatience ce jour pour exprimer en public leur
fantasme. Les bals du mardi gras sont des moments exceptionnels pour
les homosexuels, qui peuvent en toute impunité draguer librement et
danser entre eux sous le prétexte de jouer la comédie. "Le Bal Bullier",
immense salle de bal du Boulevard Montparnasse est le plus célèbre dans
la France entière pour son bal du mardi gras où les homosexuels
accourent par centaines. Le bal carnavalesque organisé chaque année
depuis 1892 par les étudiants des beaux Arts et appelé le "Bal des Quat'z Arts" est
de plus en plus réputé pour être un endroit de débauche et de
libertinage. Initialement organisé à l'Elysée Montmartre (72 boulevard
Rochechouard), il a lieu au début de siècle au "Bal du Moulin Rouge".
La jeunesse s'y livre, sous l'emprise de l'alcool, à des orgies
incroyables pour cette époque prude. Evidemment, les homosexuels n'en
sont pas absents. La police finira peu à peu par contrôler ce bal
étudiant qui commençait à choquer de nombreux pères de familles qui ne
souhaitaient pas y voir leurs enfants.
Comme indiqué précédemment, s'il n'existait pratiquement pas de bals
exclusivement et systématiquement réservés aux homosexuels, il y a
quand même une exception notoire à cette règle : Il existait bien rue
d'Aboukir, un bal surnommé "le
Bal des Tatas" mais dont l'adresse, bien que
confidentielle, ne lui permit pas d'échapper à la police des m½urs.
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- Didier ERIBON, Dictionnaire
des Cultures Gays et
Lesbiennes, Larousse, 2003
- Florence TAMAGNE, Revue
d'Histoire moderne et contemporaine, Ecrire l'histoire des
homosexualités en Europe : XIXe - XXe siècles. tome 4,
Editions Belin, 2006
- Jean-Louis CHARDANS, British group
of sexological research, History and antology of homosexuality,
histoire et anthologie de l'homosexualité, Centre d'Etudes
et de Documentations Pédagogiques Paris, 1970
- Pierre DELCOURT,
Le Vice à
Paris, Edition A. Piaget, Paris 1887.
- Iconographie : Collection privée de Cartes Postales.
- Remerciements à Eric pour ses précisions sur les
adresses parisiennes.
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