PARIS
DANS LES ANNEES 40.
Avec la déclaration de guerre en 1939, l'occupation allemande en 1940
et la libération de Paris en 1944, la vie nocturne parisienne ne va pas
manquer de perturbations. Contrairement à certaines idées
reçues, même si la folie des années 30
n'est plus de mise, la vie homosexuelle va aussi continuer à être
visible. A l'arrivée des Allemands, les invertis, pédérastes,
lesbiennes, travestis ont été partagés entre deux comportements : fuir
ou continuer de vivre comme avant. Très vite, suivant quelques
intellectuels et écrivains comme Proust ou Montherlant, la plupart des
patrons et patronnes de bars gay parisiens comprirent qu'ils ne
seraient pas inquiétés par l'occupant, à part s'ils étaient juifs.
Bien sûr quelques homos avertis savaient que les nazis avaient fermé la
totalité des bars interlopes de Berlin mais des bruits contradictoires
couraient sur la déportation des homos allemands. Les uns après les
autres, les patrons de bars lesbiens puis les bars homos ont repris
prudemment
leur activité et ont eu la surprise de voir les soldats et les
officiers allemands fréquenter leurs établissements.
A PARIS
SOUS L'OCCUPATION
LES CAFES - BARS - BRASSERIES
-
Brasserie Graff
92 boulevard de Clichy (18e)
- Le
Boeuf sur le Toit
34
rue du Colisée (8e)
- Le
Sélect
99 boulevard du
Montparnasse (6e)
- Le
Dupont Blanche
- Le
Sans Soucis
(18e)
- Le
Rugby
rue
Frochot (9e)
- Le
Clair de Lune
Place
Pigalle (18e)
- Le
Tout Va Bien
Boulevard
Saint Denis (10e)
- La
Triboulette
rue
Saint Jacques (5e)
- Le
Colisé
Champs
Elysées (8e)
- Le
Sélect
Champs
Elysées (8e)
LES CABARETS
- Le Liberty's (Chez Tonton)
5 place Blanche (9e)
- Le Monocle
60 boulevard
Edgar Quinet (14e)
- La
Vie Parisienne
12 rue
Sainte Anne (1er)
-
Chez Jane Stick
70
rue de Ponthieu (8e)
LES ETABLISSEMENTS DE BAINS
- Les Bains d'Angoulême
4 bis rue de la Pierre Levée (11e)
-
Les Bains Russes
15
rue Vivienne (2e)
-
Les Bains Hammam
63
rue du Cardinal Lemoine (5e)
-
Les Bains Voltaire
93
rue de la Roquette (11e)
-
Les Bains de Penthièvre
30
rue de Penthièvre (8e)
- Le
27
27
rue Duret (16e)
::
SOUS L'OCCUPATION.
LES CAFES, BARS, CABARETS
En 1939, la
mobilisation et l'interdiction des fêtes et de la danse vont obliger de
nombreux établissements à baisser leur rideau. Les bals et les dancings
ne pourront pas réouvrir sous l'occupation et la clientèle se rabattra
sur les cabarets et les bars qui compenseront la perte de certains
clients par la nouvelle clientèle des soldats allemands en mal de
divertissement. Dans un premier temps, les établissements furent
condamnés à fermer à l'heure du couvre-feu, mais très vite, ils
obtinrent l'autorisation d'exercer toute la nuit, toutes portes closes.
L'autorité militaire jugera probablement que Paris doit
continuer à apporter du divertissement à ses soldats, éloignés de leurs
familles et susceptibles d'être envoyés du jour au lendemain sur le
front. Les grands cabarets verront une clientèle d'officiers et les
soldats fréquenteront les bars et les vespasiennes. Bob Giguet, qui
avait racheté "le
Liberty's" en 1918, vend son établissement fin 1940 à
Gaston Baheux (Tonton) qui rouvre l'établissement qu'on va appeler
maintenant "Chez tonton".
Il y produit un numéro comique et Charpini s'y produit aussi dans son
numéro vocal. En 1941, le cabaret lesbien "le Monocle" ouvre à
nouveau ses portes. Il est animé par Jo et son
orchestre féminin. Il en est de même pour le
cabaret lesbien "Chez Jane Stick"
rue de Ponthieu qui avait été inauguré en 1939. Suzy
Solidor, à qui on prête une aventure avec un officier allemand, connait
un succès sans précédent avec son cabaret de la rue Saint Anne, "La Vie Parisienne",
qui voit de nombreux officiers allemands attablés devant leur bouteille
de champagne. "Le B½uf sur le
Toit"
reprend aussi son activité en changeant une nouvelle fois d'adresse :
il passe au 34 rue du Colisée. La revue "les Ondes", l'organe de Radio
Paris, en donne une description explicite (n°35 21 décembre 1941) : "Ici
l'atmosphère est bien parisienne, au bon et au mauvais sens du mot. Le
milieu théâtral et artistique accapare "le B½uf" depuis des années. Et
si l'on veut y aller quand même, il faut accepter le charme pervers,
les candeurs, la frivolité, l'esprit aussi, qui font sa
personnalité." "La
Brasserie Graff"
retrouve de sa superbe et fait oublier à ses clients que la période est
difficile. Une autre
brasserie ouvre à Pigalle, "le
Dupont-Blanche", moins fréquenté que chez Graff mais plus
populaire. Mais ces
établissements, tous tenus par des homosexuel-les, ont une
clientèle assez mélangée à majorité hétérosexuelle et les homosexuels
qui les fréquentent restent assez discrets. Il n'en est pas de même
pour "le Sélect"
à Montparnasse dont la clientèle vient pour faire des rencontres sans
ambiguïté. "Le
Rugby" de la rue Frochot est toujours en activité et
d'autres bars comme "le
Clair de Lune", place Pigalle, "Le
Tout va Bien",
boulevard Saint-Denis, "la
Triboulette", rue Saint Jacques, le sous-sol du "Colisé"
sur les Champs-Elysées complètent le parcours des bars homos de
l'occupation. Sur les Champs, un bar de gigolos dont l'entrée était
interdite par l'autorité allemande aux soldats propose "un marché aux
garçons" : "le Sélect".
LES LIEUX DE
CONSOMMATION SEXUELLE
Durant l'occupation, la prostitution masculine extérieure n'est plus
guère tolérée par l'occupant. Les gigolos et prostitués se rabattront
dans certains bars et dans quelques maisons closes clandestines. Mais
s'il est impossible de la supprimer, la prostitution sera surveillée de
près. L'autorité militaire, si elle accepte que son armée puisse se
détendre dans des endroits festifs, a une certaine réticence à ce
que les soldats allemands utilisent les services de prostitués mâles.
Certains seront d'ailleurs inquiétés et déportés en raison de leurs
relations avec des officiers allemands. Les nouvelles lois de
répression de l'homosexualité de Vichy, en 1942, vont aussi interdire
les
relations avec les moins de 21 ans, ce qui réduit considérablement le
champ de la prostitution.
En revanche, les lieux de consommation sexuelle gratuite ne vont pas
connaitre la moindre baisse de fréquentation. Les très nombreuses
vespasiennes de Paris vont tourner "à plein" et les soldats allemands
ne seront pas les derniers à les fréquenter. La vespasienne du Palais
Royal, celle du bas des Champs Elysées ou les nombreuses pissotières
des grands boulevards seront très animées durant toute l'occupation et
souvent teintées de vert de gris, la couleur de l'uniforme allemand. De
même, les Tuileries ou le Champs de Mars resteront très actifs.
Les établissements de bains vont connaître un regain d'intérêt durant
toute l'occupation. Les plus anciens sont : "les
Bains d'Angoulême" 4 bis rue de la Pierre Levée, "les
Bains Russes", 15 rue Vivienne, "Les
Bains Hammam",
63 rue du Cardinal Lemoine,
"les Bains Voltaire" 93 rue de la Roquette, "les
Bains de Penthièvre" au 30 rue de Penthièvre, mais on peut
aussi en trouver dans d'autres quartiers : "le
160", rue Oberkampf,
"le 27" rue Duret
et
les eaux bouillonnantes de la rue Tiquetonne et de la rue de la Folie
Méricourt.
A PARIS
A LA LIBERATION
LES CAFES - BARS - BRASSERIES
-
Brasserie Graff
92 boulevard de Clichy (18e)
- Le
Boeuf sur le Toit
34
rue du Colisée (8e)
LES CABARETS
- Le Liberty's
5 place Blanche (9e)
- Le Monocle
60 boulevard
Edgar Quinet (14e)
- La
Vie Parisienne
12 rue
Sainte Anne (1er)
- Le Fétiche
rue Frochot (9e)
- Le
Carroll's
36
rue de Ponthieu (8e)
-
Chez Madame Arthur
75
bis rue des Martyrs (18e)
- Le
Carrousel de Paris
40 rue
du Colisée (8e)
-
Entre Nous
17 rue
Lafferrière (9e)
::
A LA LIBERATION.
A la Libération, si Paris danse à nouveau au son de l'accordéon mais
aussi du jazz et de la musique américaine, certains acteurs de la nuit,
qui s'étaient compromis avec l'occupant, vont être inquiétés. On
reprochera aux pédérastes mondains et parisiens d'avoir profité de
l'occupation pour développer leurs affaires. Certains artistes seront
inquiétés et leur homosexualité sera considérée comme une circonstance
aggravante. Susy Solidor, à qui on reprochera d'avoir accueilli des
Allemands dans son cabaret, répondra à ses accusateurs : "Si vous ne
vouliez pas qu'ils viennent chez moi, il ne fallait pas les laisser
entrer dans le pays". Beaucoup d'établissements gay fermeront leur
porte. Les lois de Vichy pénalisant la relation homosexuelle
lorsqu'elle est commise avec une personne de moins de 21 ans, ne seront
pas abolies. On assiste à un retour de l'ordre moral. Un conseiller
municipal de Paris, Jacques Debu-Bridel, proposera même de fermer tous
les bars homosexuels de la capitale. Sa proposition ne passera pas mais
une ordonnance de la préfecture interdira, en février 1949, la danse
entre hommes.
Paradoxalement,
le Paris homo de l'occupation était plus florissant que celui de la
Libération.
Malgré cette petite période de glaciation, la vie homosexuelle
parisienne va reprendre peu à peu. Un nouveau cabaret lesbien "Entre Nous" ouvre
rue Laferrière en 1946. Suzy Solidor cède sa boite à une autre
chanteuse lesbienne, Colette Mars, qui relance "la Vie Parisienne"
en 1947. "Le
Liberty's" est relancé en 1948 avec toujours Charpini en
vedette. "Le B½uf sur
le Toit" existe
toujours mais sa clientèle homosexuelle de l'avant guerre et de
l'occupation ne fréquente plus les lieux. Moune relance son
cabaret "le Fétiche"
rue Frochot en 1948. Frédé qui tenait un cabaret
lesbien avant
guerre va ouvrir en 1949
"le Carroll's" au 36 rue de Ponthieu qui deviendra une
belle boite à la mode et qui lancera le cha-cha-cha en France.
De nouveaux établissements font leur apparition à Paris : Marcel
Wuysman, dit monsieur Marcel, reprend en 1948 un des plus anciens
cabarets de Paris qui avait ouvert au XIXe siècle sous le nom de "Divan
Japonais" au 79 rue des Martyrs et il en fait "Chez Madame Arthur",
en hommage à la chanson d'Yvette Guilbert qui avait fait ses débuts en
ce lieu au début du siècle. Il fera de ce cabaret, un cabaret de
transformistes qui connaitra un grand succès dans les années 50 et 60.
Autre spectacle de travestis mais sur une grande scène : "Le Carroussel de Paris"
s'installe rue du Colisée en 1948.
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Sélection Hexagone Gay de chansons de l'occupation et de la Libération :
- Didier ERIBON, Dictionnaire
des Cultures Gays et
Lesbiennes, Larousse, 2003
- Florence TAMAGNE, Revue
d'Histoire moderne et contemporaine, Ecrire l'histoire des
homosexualités en Europe : XIXe - XXe siècles. tome 4,
Editions Belin, 2006
- Jean-Louis CHARDANS, British group
of sexological research, History and antology of homosexuality,
histoire et anthologie de l'homosexualité, Centre d'Etudes
et de Documentations Pédagogiques Paris, 1970
- Iconographie : Collection privée de Cartes Postales.
- Remerciements à Eric pour ses précisions sur les
adresses parisiennes.
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