PARIS
DANS LES ANNEES 30.
L'explosion de la vie gay dans le Paris des années 20 va connaître son
summum dans les années 30. Indiscutablement, c'est Montmartre qui est
le quartier homo de Paris même si les hétérosexuels y trouvent aussi de
très nombreux établissements de plaisir. Les spectacles de travestis
qui se sont développés dans les années 20 vont connaître leur heure de
gloire dans les années 30. Les lesbiennes vont bénéficier également
d'une belle palette d'établissements. Alors que Londres est encadrée
par une législation homophobe et que le régime nazi va fermer la
totalité des cabarets et bars gay de Berlin, Paris va devenir la
capitale européenne des homosexuels.
A PARIS
LES CAFES - BARS - BRASSERIES
- Le Liberty's
5 place
Blanche (9e)
- Chez Graff
92 boulevard de Clichy (18e)
- Chez Fysher
21 rue d'Antin (2e)
- Le Select
99 boulevard du Montparnasse (6e)
- Le Bigoudi
prés de l'Opéra Comique
- Bar du Rugby
rue Frochot (9e)
- Entre Nous
Montmartre (18e)
- Le Petit Balcon
15 passage Thiéré
- Les Barreaux
Verts
19 rue de Lappe (11e)
- Isis
- Le Binocle
LES BALS ET DANCING
- Le Magic City
13- 15 rue Cognac Jay (7e)
- Chez Narcisse
prés de la Gare de Lyon (12e)
- Le Bal de la
Montagne Sainte Geneviève
46 rue de la Montagne Sainte Geneviève (5e)
- Le Bouscat
13 rue de Lappe (11e)
- Le Bal des 3
Colonnes
rue de Lappe (11e)
- Chez Ryls
rue Frochot (9e)
LES CABARETS
- Le Fiacre
46 rue Notre Dame de Lorette (9e)
- La Noce (Chez
O'dett)
place Pigalle (18e)
- La Petite
Chaumière
rue Berthe (18e)
- Mimi Pïnson
(Chez Tonton)
5 rue Norvins (18e)
- Le Boeuf sur
le Toit
26 rue Penthièvre (8e)
41 avenue Pierre de Serbie (8e)
- Le Grand Ecart
7 rue Fromentin (9e)
- Chez Charpini
18 rue Thérèse (1er)
- La Vie
Parisienne
12 rue Sainte Anne (1er)
- A l'Heureuse
Galère
32 rue Sainte Anne (1er)
- Chez Agnès Capri
5 rue Molière (1er)
- Le Monocle
60 boulevard Edgar Quinet (14e)
- Le Fétiche
rue Fromentin (9e)
- La Silhouette
rue Notre Dame de Lorette (9e)
- Chez Jane Stick
70 rue de Ponthieu (8e)
LES BAINS
- Les Bains de
Vapeur
rue de Cambronne (15e)
- Les Bains du
Ballon d'Alsace
rue Saint Lazare
::
LES BALS ET DANCING.
Le célèbre
bal
de la mi-carême du Magic
City (cf Paris années
20) va cesser d'exister à partir de février 1934 mais
les homosexuels peuvent désormais danser et faire la fête tous les
jours et toute l'année. Les ouvriers et artisans auront leur petit bal
populaire et homosexuel près de la gare de Lyon : "Chez Narcisse". A
Montmartre, on danse "Chez
Ryls" rue Frochot. Le "Bal
de la Montagne Sainte Geneviève" est
maintenant devenu une institution pour les pédérastes parisiens qui
dansent entre eux au son de l'accordéon. Il faut rappeler
que la danse
entre hommes est toujours interdite par un arrêté de la préfecture de
Police de Paris datant de 1910. Jean Chiappe, le Préfet de Police,
réactivant cette ordonnance, fait fermer en 1934 tous les
établissements qui
tolèrent la danse entre hommes. Il fait aussi rallumer les promenoirs
des théâtres qui ont tendance à se transformer en backroom. Dans le quartier
Bastille, "Le Bouscat"
et son
bal musette où chaloupent des marins maquillés comme des prostituées
reste l'attraction de la rue de Lappe. Mais "le Bal de 3 Colonnes"
avec ses travestis, "le
Petit Balcon" ou "les
Barreaux verts"
ne sont pas en reste. Une fois par an, la rue de Lappe s'enflamme lors
de la mi-carême. Les centaines de travestis qui vont fêter Carnaval au
Magic City jusqu'en 1934, entament le début de soirée dans la rue de
Lappe qu'ils transforment en un étrange capharnaüm où se côtoient des
duchesses, des danseuses étoiles, des vahinés et un raz de marée de
Mistinguett. Le reste de l'année, la réputation de la rue de Lappe avec
ces marins et ses ouvriers des faubourgs, attire de plus en plus de
bourgeois désireux de s'encanailler dans les bals musettes entre deux
rafles de police.
La
rue de Lappe en 1932
:: LES CAFES, LES
BARS, LES
CABARETS. "Le
Liberty's", "le Graff", "Chez Fysher"
sont devenus des institutions mais ils sont maintenant concurrencés par
de nombreux établissements. "Le
Fiacre",
cabaret du 46 rue Notre Dame de
Lorette, est pris en main par O'dett (René Gil) en 1933. Les duettistes
"Charles et Johnny" (Charles Trénet et Johnny Hess) s'y produisent
jusqu'en 1935. L'établissement est aussi un club où l'on peut danser au
son de l'orchestre Marcel Pagnoul. O'dett rachète
également en 1935 "L'Abbaye de Thélème" place Pigalle pour en faire "La
Noce" qu'il appellera en 1938 "Chez
O'dett".
Par ces nombreux établissements aux mains d'un seul propriétaire, on a
la preuve que la clientèle homo peut maintenant être une garantie de
succès et si on ne peut pas encore parler de "rois de la nuit" ou
d'empire commercial, certaines figures de la nuit montmartroise se
distinguent déjà par le développement du nombre de leurs établissements
gay. C'est notamment le cas de Gaston Baheux, dit "Tonton". Il a débuté
comme travesti dans le spectacle présenté par Monsieur Tagada à "la Petite Chaumière",
puis s'est occupé de la destinée de "Mimi
Pinson" avant d'ouvrir dans les années 20, "Chez Tonton"
rue Norvins. Mais son développement ne s'arrêtera pas là. Ces
spectacles de travestis attirent non seulement une clientèle homo mais
le tout Paris (artistes, journalistes...), friand de ce type de show.
A l'époque, il n'est pas question de playback et les artistes, s'ils
sont transformistes et comédiens, sont aussi chanteurs. Le patron du "B½uf sur le Toit",
Louis Moyses, après avoir transféré son établissement au 41 Avenue
Pierre de Serbie, avait déjà ouvert, au 7 rue Fromentin, un deuxième
cabaret sélect
et intellectuel : "Le
Grand Ecart." Près de l'Opéra Comique, c'est "le Bigoudi"
qui draine sa clientèle homos. Charpini, qui avait été la vedette du
Liberty's avec son partenaire Brancato, va ouvrir aussi son cabaret. Il
reprend "le Bosphore",
18 rue Thérèze, pour en faire "Chez
Charpini".
LES
CABARETS LESBIENS.
Dans ce même quartier du 1er arrondissement, à deux pas de l'Opéra,
entre la rue Thérèze et la rue Saint Anne, quelques établissements vont
faire leur apparition dans les années 30. La chanteuse Suzy Solidor,
réputée pour ses amours saphiques, va ouvrir en 1932 son cabaret
lesbien au 12 rue Sainte-Anne, "La
Vie Parisienne". Dans la même rue, à quelques pas de là,
c'est Sidonie Baba qui va diriger aussi un cabaret féminin, "A l'Heureuse Galère".
En 1938, dans la rue voisine, rue Molière, une autre chanteuse
lesbienne, Agnès Capri, ouvre son cabaret pour homosexuels hommes et
femmes, "Chez Agnes
Capri".
Mais la fièvre des cabarets lesbiens ne va pas s'arrêter là. Des
établissements qui vont devenir de véritables institutions vont
connaître leurs ouvertures et leur premiers succès dans les années 30. "Le Monocle"
est le plus célèbre d'entre eux. Ce cabaret lesbien réservé
exclusivement aux femmes propose un orchestre de femmes et des
entraineuses qui poussaient les filles à danser entre elles. Il est
dirigé par "Lulu de Montparnasse", maître femme ayant un gout certain
pour les tenues masculines. Une future figure de la
nuit lesbienne va inaugurer son premier établissement dans les années
30 : Moune Carton ouvre "le
Fétiche",
rue Fromentin. En 1939, Jane Stick ouvre son cabaret lesbien "Chez Jane Stick",
rue de Ponthieu. Enfin dans le 9e, rue Notre Dame de Lorrette, une
garçonne en smoking, surnommée Frédé, va prendre en main en 1938 les
destinés du cabaret lesbien "La
Silhouette". Retour à Montmartre, avec le
cabaret "Chez Nous"
qui complète ce parcours lesbien du Paris des années 30.
Avec l'ouverture d'une dizaine de cabarets lesbiens en l'espace de
quelques années,
les années 30 sont véritablement une révolution pour les filles
lesbiennes et aucune ville au monde n'offre un tel choix. Les ambiances
y sont d'ailleurs très différentes. Dans la plupart d'entre eux, les
hommes y sont interdits. Tout le personnel est féminin, les artistes
sont des femmes et les clientes souvent des femmes issues de la
bourgeoise, mais pas uniquement. Dans d'autres, les hommes y sont
admis,
mais uniquement les homosexuels, afin de ne pas perturber la quiétude
des filles. Enfin, certains établissement lesbiens vivent de la
clientèle masculine et hétérosexuelle. Le spectacle de filles entre
elles fait partie des grands fantasmes masculins et les patronnes de
ces établissements ont bien compris l'intérêt commercial qu'elles
pouvaient en tirer.
LES SALONS DE THE
LESBIENS.
Si les cabarets lesbiens étaient fréquentés la nuit, dans la journée
les femmes se retrouvaient plus aisément dans des salons de thé ou des
restaurants. Si le "Salon
de Thé
Smith's", rue de Rivoli, continue à avoir ses adeptes, d'autres
établissements se sont établis dans ce quartier. A deux pas, "Le Thé Colombin", rue du Mont
Thabor, mais aussi "Le Wagram",
208 rue de Rivoli, étaient notamment fréquentés par
Marguerite Yourcenar.
QUARTIER
MONTPARNASSE.
Les années 30, si elles voient la consécration de Montmartre comme
centre de la vie gay, voient aussi l'émergence d'un autre quartier
avec une spécialisation différente : Montparnasse.
A cette époque, Montparnasse est le quartier des artistes, des
écrivains, des intellectuels. Il est aussi très prisé des homosexuels
qui ont
l'habitude de fréquenter les grandes brasseries et certaines terrasses
sont assez masculines. "Le
Dôme" et "la Coupole"
connaissent leur âge d'Or. "Le
Sélect",
la grande brasserie ouverte en 1925 va attirer les artistes et
l'intelligencia homosexuelle de l'époque. Dès ses débuts, il est
d'ailleurs très fréquenté par les lesbiennes. La romancière américaine
Djuna Barnes et sa compagne Telma Wood ont en ont fait leur lieu de
rendez-vous. Les lesbiennes s'y affichent d'ailleurs avec leurs
monocles, accessoire de reconnaissance. "Le Sélect" et le cabaret "le
Monocle" seront les phares lesbiens du Montparnasse des années 20 et
30. Mais le Sélect va aussi être peu à peu fréquenté par l'élite
homosexuelle masculine, de Max Jacob à Jean Marais. L'ouverture
nocturne de l'établissement attirera de plus en plus la jeunesse mais
aussi de nombreux jeunes garçons modernes aux m½urs libérées. C'est
dans ce quartier et dans ces brasseries que vont naître à la fin des
années 30, les petits swing et les zazous.
:: LES LIEUX DE
CONSOMMATION
SEXUELLE.
La mode des bains à vapeur ou Hammam va se calmer dans les années 30.
Le "Bain de la Rue de
Cambronne", "le
Bain du Ballon d'Alsace",
rue Saint Lazare continuent à attirer les messieurs en quête d'une
aventure anonyme et rapide. Quant aux bars de prostitués, même s'ils
restent encore assez nombreux dans la capitale, ils ont été
définitivement supplantés par les nombreux bars et cabarets festifs. A
Montmartre, le "Bar du
Rugby",
rue Frochot, attire toujours les michetons. Quant aux maisons de
tolérance pour garçons, elles ont été fermées pour la plupart, mais il
existe encore quelque "clandés", bordels clandestins tolérés par la
police moyennant quelques versements pour ses bonnes ½uvres ou quelques
renseignements précieux sur les clients afin d'alimenter des fichiers
compromettants sur des personnages politiques. "L'Hôtel du Saumon, chez Saïd",
passage du Saumon, près des Halles propose à ses clients un choix de
jeunes garçons. Les théâtres et cinémas continuent toujours à attirer
les homosexuels lorsqu'ils sont pourvus de promenoirs. Le "Théatre du
Palace", tenu à l'époque par un homosexuel, a cette
réputation. En
1931, le "Gaumont Palace",
la plus grande salle de cinéma d'Europe
ouvre ses portes à Paris. Son promenoir est bien
adaptée à la drague entre hommes, et plus si affinités.
:: LES LIEUX EXTERIEURS.
Le haut lieu de la prostitution masculine à Paris reste le boulevard de
Clichy près du passage du Midi. Le nombre de tapins qu'on peut y
rencontrer lui a donné le surnom de "marché aux hommes". La
rue Germain Pilon qui débouche sur ce boulevard est aussi très
fréquentée par les gigolos. Pour les rencontres gratuites, les
vespasiennes restent l'endroit de prédilection. La Porte Dauphine vient
se rajouter aux lieux plus traditionnels comme les Tuileries.
Charpini
et O'det les deux travesti
burlesques les plus connus de Paris dans les années 30.
ici dans un numéro de parodie des Dolly Sisters.
La
Bouquetière de "La Petite
Chaumière"
AMAZON.FR
> Livres et
DVD sélectionnés sur Amazon.fr
> Autres
recherches sur Amazon.fr
>
Sélection de succès des années 30 sur Amazon.fr
>
Sélection Hexagone Gay de chansons homosexuelles des années 30 :
- Didier ERIBON, Dictionnaire
des Cultures Gays et
Lesbiennes, Larousse, 2003
- Florence TAMAGNE, Revue
d'Histoire moderne et contemporaine, Ecrire l'histoire des
homosexualités en Europe : XIXe - XXe siècles. tome 4,
Editions Belin, 2006
- Jean-Louis CHARDANS, British group
of sexological research, History and antology of homosexuality,
histoire et anthologie de l'homosexualité, Centre d'Etudes
et de Documentations Pédagogiques Paris, 1970
- Pierre DELCOURT,
Le Vice à
Paris, Edition A. Piaget, Paris 1887.
- Le Crapouillot, Les
homosexuels, N° 30
- Archives de la revue "Voilà, collection privée.
- Iconographie : Collection privée de Cartes Postales.
- Remerciements à Eric pour ses précisions sur les
adresses parisiennes.
ANNONCES
Le
site Hexagone Gay et sa base documentaire sont gérés par l'association
MÉMOIRE COLLECTIVE et ses bénévoles. Les frais de fonctionnement
et
d'hébergement du site sont autofinancés par les affiliations et encarts
publicitaires présents sur ce site. En revanche, nos recherches
documentaires, nos acquisitions de documents, notre archivages sont
financés par nos fonds personnels. Vous pouvez nous aider à conserver
notre mémoire LGBT, en toute indépendance, par un don, via le bouton
Paypal ci-contre.
Les dons peuvent rester anonymes ou vous être attribués selon votre
préférence.
Pour mieux nous connaître : voir notre page présentation.
Vous pouvez aussi
enrichir notre site par vos témoignages ou vos documents.
Pour nous contacter : webmaster@hexagonegay.com