Si Paris
est la capitale européenne des
homosexuels dans les années 30, la Riviera et la Provence n'ont rien à
lui envier sur ce point. A Marseille et à Toulon, la présence de
nombreux marins favorise la prostitution masculine et Toulon bénéficie
d'ailleurs d'une réputation internationale auprès des homosexuels.
Saint-Tropez, Nice et Cannes sont, quant à elles, les rendez-vous de
l'élite homosexuelle parisienne et internationale.
::
Premiers camps de naturistes.
Dans
les années 30, on ne pratique pas encore le nudisme sur les plages de
Saint-Tropez. Cette mode déjà courante dans les pays scandinaves, en
Allemagne et en Russie n'est pas très développée dans les pays latins
mais des camps de nudistes très discrets vont faire leur apparition à
Nice, Marseille, et au large de Toulon dans les années 30. Ils sont
dirigés par des associations qui associent nudisme, culturisme et
régime végétarien. En 1931, le premier camp naturiste apparaît sur
l'ile du Levant. S'il est régi par des règles très strictes qui
interdisent tout contact sexuel et tout propos grivois, il attire dès
le début des homosexuels au milieu des familles. Cet engouement des
homosexuels pour le naturisme ne remonte donc pas à la libération des
m½urs des années 70 mais bien à cette époque. Avant toute
considération guidée par le voyeurisme, qu'il ne faut pas nier non
plus, c'est probablement le non-conformisme et le détachement de
certaines conventions sociales qui permettra aux homosexuels de gouter
sans trop de préjugés aux joies du naturisme avant les autres. Mais il
n'est évidemment pas question pour eux de manquer de discrétion. Tout
regard qui s'attarderait trop longuement sur les parties intimes des
autres messieurs ou toute érection intempestive sont suivis
immédiatement de l'exclusion immédiate et définitive de l'association.
Ces associations, si elles sont à la limite de la légalité en France à
cette époque, sont l'objet d'une réprobation populaire et totalement en
marge de la société bien pensante des années 30. Elles ont donc créé
des réseaux de solidarité, notamment avec les associations allemandes
ou scandinaves qui éditent des listes d'adresse à travers le monde et
incitent leurs membres à fraterniser entre eux quelque soit leur
nationalité. En ce sens, il y a aussi beaucoup de points communs avec
les homosexuels de tous pays qui tissent aussi des liens de solidarité
et sont contraints de s'organiser s'ils veulent pouvoir vivre leur
sexualité en sécurité.
A TOULON
LES BARS
- Le Marna-Bar
3 quai de la Consigne
- Le Jacky-Bar
21 rue Chevalier-Paul
- Le Grand Café de la Rade
Quai Cronstadt
- Le Bar de la Cigale
rue des Mûriers
- Le Camille Bar
41 quai Cronstadt
- Le Zanzi-Vermouth
rue Victor Micholet
- Chez Madeleine
18 rue de l'Unité
- Bar Neptunia
Quai Cronstadt
- La Civette du Théâtre
Place du Théâtre
- La Régence
Boulevard de Strasbourg
- Le Palace
Boulevard de Strasbourg
- Le Claridge
Boulevard de Strasbourg
LES DANCING
- Le Dancing Dubois (puis dancing Finimondi)
8 rue de Lorgues
LES HOTELS
- Hôtel du Nord
place Puget
- Hôtel de France
place Puget
- Hôtel du Belvédère
Boulevard de Tessé
- Hôtel Terminus
Boulevard de Tessé
- Hôtel Giraud
rue de l'Humilité
- Hôtel des Négociants
rue de la République
::
TOULON DANS LES ANNEES 30.
Dans
les années 20 et 30, Toulon est une ville qui bénéficie d'une grande
réputation auprès des homosexuels. En raison de la présence de nombreux
marins militaires et des échanges qu'ils étaient susceptibles d'avoir
avec les
marins de tous les pays qui mouillaient dans le port, la police est
très vigilante. Sa préoccupation est motivée essentiellement par les
risques d'espionnage ou la diffusion d'idées subversives, contraires à
la discipline militaire. Avec Brest, ces deux ports "bénéficient"
d'une attention toute particulière de la police qui multiplie les
contrôles, les fichages et qui recense tous les bars fréquentés par
les homosexuels. C'est grâce à ses archives qu'on a pu, 50 ans plus
tard, dresser une géographie très précise des lieux homos de la ville.
Cocteau dans son livre blanc en fera aussi une description sans
équivoque "De
tous les coins du monde, les hommes épris de beauté masculine viennent
admirer les marins qui flânent seuls ou par groupes, répondent aux
½illades par un sourire et ne refusent jamais l'offre de l'amour."
Chaque jour déverse dans la ville des centaines de marins de toutes
nationalités qui ont pour points communs de ne pas être très fortunés
et d'avoir une furieuse envie de se distraire, mais aussi d'assouvir
leur libido. Tout naturellement, à une époque où les relations
sexuelles hors mariage ne pouvaient être que tarifées, les homosexuels
français avaient compris tout l'intérêt de venir à Toulon pour trouver
une jeunesse disponible qui, pour quelques pièces et après quelques
verres, était prête à quelques concessions sexuelles. Prostitution et
homosexualité faisaient bon ménage à cette époque, et à Toulon plus
qu'ailleurs.
Le "Dancing Dubois",
rue de Lorgues, est fréquenté par les marins pour
son ambiance festive. Le patron, entouré de ses costauds gardes du
corps,
n'hésite pas à animer son établissement en se travestissant et en
chantant avec une voix de femme. Cocteau dira qu'on pouvait aussi y
danser entre garçons. Cet établissement sera le seul à avoir une
existence longue même s'il dû changer de nom à plusieurs reprises
(Dancing Firnimondi).
Sa réputation était digne de certains cabarets
parisiens des années folles.
En 1927, la police avait dénombré 8 bars recevant des homosexuels à
Toulon. Leur nombre va se multiplier dans les années 30. Mais chaque
fois qu'un établissement faisait l'objet d'un contrôle de police qui
constatait la présence d'homosexuels, l'autorité militaire le mettait
sur la liste des établissements interdits aux marins. En conséquence,
les adresses étaient très fluctuantes. Dès qu'un bar était abandonné
par ses marins, il perdait sa clientèle de pédérastes au profit d'un
autre. La plupart du temps, les tenanciers de ces bars ne choisissaient
pas leur clientèle mais ne refusaient jamais l'occasion de voir
soudainement leur tiroir-caisse profiter de rentrées
d'argent inespérées, même si cela impliquait quelques tracas
avec
la police ou si cela était de courte durée.
Il en était de même pour les hôteliers. Toulon attirait beaucoup
d'invertis des 6 coins de l'hexagone mais aussi de l'étranger. A cette
époque, ce qu'on appellera plus tard le tourisme sexuel, profitait à
l'économie française. Certains hôtels toulonnais n'avaient de raison
d'être que grâce à cette clientèle. Mais là aussi, la police veillait.
Chaque chambre louée devait faire l'objet d'une fiche avec l'identité
des occupants et cette fiche était transmise quotidiennement à la
police. Officiellement, la loi n'interdisait pas les relations
homosexuelles entre personnes majeures mais la police n'hésitait pas à
faire des contrôles et des interrogatoires vexatoires, souvent non
suivis d'effets judiciaires, et le marin se voyait dénoncé à ses
supérieurs, ce qui lui procurait des ennuis avec l'armée. En
conséquence, la pratique consistait à louer deux chambres et à se
retrouver dans une seule, ce qui était vivement conseillé par les
hôteliers qui profitaient ainsi doublement de cette clientèle avec
laquelle ils avaient une complicité intéressée. Une demi-douzaine
d'hôtels toulonnais ne vivaient que de cette activité.
Mais les relations homosexuelles n'étaient pas exclusivement orientées
vers les marins. La ville ayant acquis une véritable réputation
internationale auprès des invertis, à défaut de marins suffisants, les
rencontres se faisaient aussi entre touristes. Si la police était
pratiquement impuissante envers les pédérastes français, à part en les
intimidant et en les fichant, elle n'hésitait pas à expulser les
étrangers. Chaque année, une douzaine d'étrangers étaient ainsi invités
à regagner leur pays après avoir été arrêtés en galante compagnie. Les
archives de la police sont éloquentes quant aux pays d'origine de ces
touristes particuliers et témoignent de l'attrait exercé par Toulon :
Angleterre, Belgique, Suisse, Italie, Espagne, Hollande, et
même
Etats-Unis, Canada ou Egypte. Les pédérastes toulonnais (au début des
années 30 Toulon comptait déjà 133 000 habitants), étaient plutôt
privilégiés par rapport à ceux des autres villes de province. Certains
n'hésitaient pas à louer leurs villas, plus discrètes que les hôtels,
pour des soirées un peu chaudes.
La drague extérieure se déroule sur la place de la Liberté, dotée de
quelques vespasiennes mais aussi avenue Vauban ou boulevard de Tessé.
Homosexuels toulonnais dans les
années 20
Bar La Régence - Avenue de
Strasbourg
Le quai Cronstadt, ses marins et ses
bars interlopes
Le Grand Café de la Rade sur le quai
Cronstadt
La Place de la Liberté - lieu de
rencontres nocturnes
L'Hôtel Terminus abritait des amours
homosexuelles
Le dancing Dubois proposait des
spectacles de travestis
:: MARSEILLE DANS LES ANNÉES 30.
Si,
comme tous les ports, la ville de Marseille a aussi la réputation
d'attirer les pédérastes, l'armée y est moins présente qu'à Toulon.
Néanmoins les quartiers populaires autour du port, la Panier et le
quartier entre l'Opéra et la Chambre de Commerce, ont déjà une
réputation sulfureuse. Comme partout, l'essentiel des rencontres se
fait dans les pissotières. Celles de la gare Saint Charles mais aussi
celle de la place de la Bourse sont très fréquentées à toute heure du
jour ou de la nuit.
Mais Marseille
dans les années 30, c'est aussi l'Alcazar,
le music-hall mythique du cours
Belzunce. Sa vedette nationale est le chanteur Mayol, enfant du pays et
son allure de dandy efféminé. Mais l'Alcazar, c'est aussi un des lieux
de drague préféré des homos marseillais. Comme dans de nombreuses
villes, les théâtres et music-halls dotés de promenoirs sont réputés
pour attirer les homosexuels qui, dès les lumières éteintes, errent le
long du promenoir, en quête de rencontres et de sensations fortes.
L'Alcazar de Marseille se prête parfaitement à ces jeux connus des
initiés. A partir de 1931, l'Alcazar, tout en conservant ses
spectacles, devient aussi une salle obscure, car le cinéma se développe
et se substitue peu à peu à de nombreuses salles de spectacle.
A Marseille, ville méditerranéenne, le vocabulaire distingue
les "nervis", les machos moustachus et dominateurs et les "pipis", les
folles et les travestis.
La
vespasienne du square de la Bourse (future place du Général de Gaulle)
Les
quartiers chauds de Marseille dans les années 30
Jeunes
travestis
:: SAINT TROPEZ DANS
LES ANNEES 30.
Dans
les années 30, Saint-Tropez, petit port de pêche découvert par Guy de
Maupassant en 1887, commence à être le rendez-vous du show-business
parisien. Matisse et Picasso ont peint le village, Marcel Pagnol et
René Clair y passent leurs étés. Jean Cocteau y passera aussi plusieurs
étés à l'Hôtel du Soleil. Il y sera d'ailleurs avec Jean Marais, le 3
septembre 1939, le jour de la déclaration de guerre. Le Saint-Tropez
des années 30 n'a rien à envier à celui des années 50. Mais à cette
époque, ce ne sont pas les
nouveaux bénéficiaires des congés payés de 1936 qui fréquentent le
village. Comme il le sera dans les années 50 avec la faune de Saint
Germain des Près,
Saint-Tropez est, à cette époque, envahi par le tout Montparnasse des
arts et de la culture. Quelques rois des nuits parisiennes s'installent
déjà dans le village en juillet août pour accueillir leurs clients
parisiens fidèles. Si Brigitte Bardot est encore en couche-culottes et
ne découvrira le village que 20 ans plus tard, c'est Colette qui est la
figure féminine de Saint-Tropez. Elle s'y installe dès 1925 dans son
domaine de la Treille Muscate dans la baie des Canoubiers et y restera
jusqu'en 1938. Collette ouvrira même sur le port une boutique avec ses
produits de beauté, à l'identique de celle qu'elle a ouvert à Paris.
Cette aventure commerciale sera d'ailleurs de courte durée, Colette
étant sans aucun doute plus douée pour l'écriture que pour la manucure.
Dans son sillage, écrivains, cinéastes, peintres rendront hommage à
Saint-Tropez. A partir de 1935, des hôtels de luxe s'installent, dont
le célèbre "Latitude 43" en forme de paquebot. Si l'élite
intellectuelle parisienne et homosexuelle organise ses fêtes et
réceptions privées dans ses villas et ses yachts, la jeunesse dorée
anime déjà le Saint-Tropez nocturne. "L'escale", "la Rotonde" et "la Tour" sont les
bars dancings à la mode qui font résonner le quai au son des airs de
jazz. Ils ont
peu à peu remplacé les bars de marins. Dans la journée, les terrasses
se sont aussi développées. "Sénéquier" ouvre sa
terrasse à partir de 1930 et on y voit fréquemment Colette. On peut y
manger des glaces et des pâtisseries. Mais la
terrasse préférée des homosexuels est celle du "Café de Paris" toujours
bondée. De jeunes et beaux garçons un peu efféminés essaient d'y
recréer l'ambiance du "Sélect" de Montparnasse. S'il
existe encore quelques beaux marins à pompons sur le quai, celui-ci est
de plus en plus envahi par les "amateurs de marins" qui draguent dans
leurs grosses voitures de luxe. Car les marins n'attirent pas que les
riches américaines en quête de gigolos, ils ont aussi beaucoup de
succès auprès des vieux messieurs qui ne demandent qu'à être initiés
aux métiers de la mer dans leurs yachts éternellement à quai.
Avec l'intérêt que le village suscite auprès des cinéastes, on y tourne
déjà de nombreux films. Quelques journaux des années 30 dénoncent déjà
la fin de l'âme de Saint-Tropez, la disparition des "vrais" artistes et
l'invasion des "snobs de Montparnasse", appelés les Montparnos. Cette
critique sera une constante de Saint-Tropez et chaque génération qui
suivra considérera que le Saint-Tropez d'aujourd'hui
n'a plus
rien à voir avec celui de ses 20
ans.
Le Café de
Paris, la terrasse des années 30
1933 :
Jeunesse exubérante au Café de Paris
Jeune
marin à la terrasse de l'Escale
Voitures
de luxe devant chez Sénéquier
Un des
Montparnos de Saint-Tropez : le peintre
Pas encore
du nudisme sur les plages de Saint-Tropez
:: NICE DANS LES ANNEES 30.
Nice,
capitale de la Riviera était, au début du siècle, une station
fréquentée l'hiver par une clientèle de milliardaires attirée par la
douceur de son climat. Dans les années 30, la mode des bains de mer se
développent et Nice attire de plus en plus de monde en été. Mais ce qui
a bouleversé la vie homosexuelle de la ville, c'est l'arrivée des
princes russes qui, fuyant la révolution, se sont installés à Nice. Ils
ont marqué définitivement la ville par leurs villas somptueuses ou la
magnifique cathédrale orthodoxe. Mais leurs m½urs débridées et leur
goût pour la débauche a aussi transformé la quiétude de la ville dans
les années folles. Les riches américains ne sont d'ailleurs pas en
reste et rivalisent d'extravagance. Avec les studios de cinéma de la
Victorine, qui deviennent très actifs dans les années 30, Nice devient
aussi le rendez-vous des stars du cinéma et du show-business. Tous les
ingrédients sont réunis pour faire de la ville un paradis gay.
à suivre...
:: CANNES DANS LES ANNEES 30 L'autre
ville de villégiature de la Côte d'Azur a aussi une bonne réputation
auprès des homosexuels français et étrangers. la Croisette est le lieu
stratégique de la ville qui se dote aussi de cabarets, de dancings et
de lieux festifs...
à suivre...
:: AVIGNON DANS LES ANNEES 30
Dans
les années 30, un dicton circule en Avignon "Il y a ici deux styles
d'hommes : ceux qui vont avec les hommes et ceux qui se font payer
pour". La drague se passe dans le jardin des papes, autour du Calvaire
et des bords du Rhône aux remparts de la ville. La guerre et le
Gaullisme mettront fin à tout cela .
(Témoignage de Jean, sexagénaire et grand
couturier de la ville dans gai pied n°28 en 1981)
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