Si
les homosexuels alsaciens, comme mosellans, ont été particulièrement
persécutés à partir de 1940 en raison de l'annexion de leur région par
les nazis durant la seconde guerre mondiale, il n'en était pas de même
dans les années 30 durant lesquelles les grandes villes alsaciennes
connaissaient une véritable vie gay avec ses circuits, certes
clandestins et ou discrets, mais bien organisés. Hexagone Gay vous
propose une petite visite dans l'Alsace gay des années 30.
::
STRASBOURG DANS LES ANNEES 30. Dans
un article publié en octobre 1973 dans le journal de David &
Jonathan, Aimé Spitz témoigne de sa vie d'homosexuel strasbourgeois
dans les années 30. Bien qu'il n'existât aucune association officielle,
les homosexuels avaient formé un groupe informel et se donnaient
rendez-vous tous les mercredis soirs dans un restaurant strasbourgeois.
Il existait d'autres groupes de ce type en Alsace et notamment un
groupe au Sud de l'Alsace qui réunissait des homosexuels de Guebviller,
Soultz, Mulhouse, Colmar et Sélestat. L'ensemble des groupes se
retrouvaient le samedi soir dans un restaurant jusqu'à 1h du matin,
heure règlementaire de fermeture. Puis ils se rendaient dans un café
isolé, disparu depuis, entre Logelbach et Wintzenheim. Pour pouvoir
entrer, il fallait donner le mot de passe "les docteurs de Sélestat",
ce qui témoigne bien de la clandestinité des établissements homosexuels
à cette époque, que la police ne manquait jamais de fermer dès qu'elle
en repérait un.
A MULHOUSE
LES CAFES
- Le Moll
place de la
République
LES CINEMAS
- Le Corso
55 rue du Sauvage
::
MULHOUSE DANS LES ANNEES 30.
Dans
les années 30, les homosexuels mulhousiens se rencontrent
clandestinement au "Grand
Café
Moll", la brasserie la plus célèbre de la ville, place de
la République.
Au rez-de-chaussée, la bourgeoisie locale se retrouve au son d'un
orchestre, car l'endroit fait café concert. Mais c'est au premier étage
que tout se passe. La salle du premier est dotée d'un billard en son
centre et n'est pas fréquentée par les femmes. On y trouve à la fois la
jeunesse zazou de l'époque mais aussi des messieurs respectables en
quête d'une aventure furtive sur place. La salle peut être fermée à
clef lorsque la discrétion commence à s'imposer. Une fois leur "affaire
terminée" ces messieurs de la bonne bourgeoisie redescendent retrouver
leurs épouses et leur famille, bien fatigués par leur partie de billard
sportive. Mais les homosexuels mulhousiens des années trente ne sont
pas seulement adeptes de la queue de billard, ils sont aussi très
cinéphiles. Les balcons du "cinéma
Corso" avaient gardé une des
traditions du temps où la salle était un théâtre : être un lieu de
rencontre chaudes pour les homosexuels. Comme dans beaucoup de cinémas
ou de théâtres dotés de promenoirs ou de balcons, le Corso se
transformait en backroom dès que les lumières s'éteignaient.
Vieux messieurs et jeunes éphèbes pouvaient y célébrer leur amour...
pour le 7ème art, à l'abri des regards.
Enfin,
pour celui qui n'avait pas réussi à assouvir ses pulsions sexuelles
dans la journée, il restait le Square Steinbach le soir. Ce square au
centre de Mulhouse était l'épicentre des rencontres nocturnes. Là
aussi, pas besoin de codes particuliers, un échange de regard suffisait
pour savoir si le promeneur nocturne souhaitait vous faire visiter les
buissons.
Même
si les relations sexuelles y étaient interdites et très difficiles, les
Bains Romains de Mulhouse sont également très fréquentés des notables
homosexuels de la ville. Initiés par les allemands, en 1911 et
inaugurés en 1925, après la guerre, les Bains Romains, à l'architecture
monumentale, allient massages, bains de vapeur, douches froides,
relaxation en cabine, en suivant un rite bien précis. Mais
l'originalité du lieu, est que dans cette Alsace prude et
conservatrice, les hommes y partagent ces plaisirs ensemble dans une
totale nudité. Les femmes ont d'ailleurs droit également à leur journée
réservée le vendredi. Le plaisir des yeux et le voyeurisme homosexuel y
étaient totalement comblés et les bains romains resteront très
longtemps imprégnés dans la mémoire collective homosexuelle de
Mulhouse.
Bien
que ville de province à la réputation sage, le Mulhouse des années 30
savait créer des liens de convivialité entre la jeunesse ouvrière de
cette cité industrielle et la haute bourgeoisie. A cette époque les
lieux de rencontre homosexuels favorisaient déjà le brassage social.
Le Café
Moll
Le square
Steinbach
Les Bains
Romains de Mulhouse dans les années 30
En 1937,
la quiétude apparente et les habitudes bien huilées des
homosexuels alsaciens vont être un peu bousculées. La police des m½urs
décide de frapper un grand coup. Suite à la plainte d'un homosexuel
pour agression par des loubards, c'est le plaignant qui va finir sur le
bancs des accusés car, parmi ces jeunes, certains sont mineurs et ils
l'accusent d'avoir eu des gestes
inconvenants à leur encontre. S'en suit une gigantesque enquête dans
les milieux "interlopes" alsaciens et plusieurs centaines de personnes
vont être appelées comme témoins mais aussi fichées par la police des
m½urs. L'affaire se nourrit de règlements de comptes politiques car
évidemment des personnages haut placés sont cités et menacés de
dénonciation auprès de leurs familles s'ils ne livrent pas des noms et
des adresses. De Strasbourg à Mulhouse, en passant par Colmar, c'est le
grand déballage public et le défilé des "honteuses" dans les bureaux du
juge et du commissaire. C'est la guerre qui mettra fin à cette affaire
judiciaire. Malheureusement, les fichiers des homosexuels alsaciens
seront transmis à la Gestapo lors de l'Annexion de l'Alsace en juin
1940. Les
premières rafles d'homosexuels ont déjà
lieu en 1940 puis en 1941.
La plupart d'entre-eux, du moins les plus chanceux, feront partie des
personnes expulsées vers la "France de l'Intérieur" dès l'été
1940. Les moins chanceux feront partie des quelques 200
alsaciens
lorrains déportées en camp de concentration en raison de leur
homosexualité. Ils
seront envoyés dans le camp de rééducation de Schirmeck ou dans le camp
de concentration de Natzwiler-Struthof où ils subiront des expériences
médicales comme cobayes humains. Après
la guerre, les homosexuels alsaciens resteront très prudents sur
l'expression de leur sexualité et il faudra plusieurs
décennies
pour que les villes alsaciennes sortent leur lieux homos de la
clandestinité.
>
Sélection Hexagone Gay de chansons homosexuelles des années 30 :
cliquer
pour écouter
les extraits
RESSOURCES
EXTERNES ET REMERCIEMENTS
- Les
archives, souvenirs personnels et témoignages recueillis par l'auteur
du site Hexagone Gay.
- La revue Gai Pied
- Les archives du Centre LGBT Paris Ile-de-France
- Collection privée de cartes postales anciennes
- Pierre SEEL, Moi
Pierre Seel, déporté homosexuel, Callmann & Lévy,
2005
-
Témoignage de Aimé Spitz paru dans la revue de l’association « David et
Jonathan » d'octobre 1973.
ANNONCES
Le
site Hexagone Gay et sa base documentaire sont gérés par l'association
MÉMOIRE COLLECTIVE et ses bénévoles. Les frais de fonctionnement
et
d'hébergement du site sont autofinancés par les affiliations et encarts
publicitaires présents sur ce site. En revanche, nos recherches
documentaires, nos acquisitions de documents, notre archivages sont
financés par nos fonds personnels. Vous pouvez nous aider à conserver
notre mémoire LGBT, en toute indépendance, par un don, via le bouton
Paypal ci-contre.
Les dons peuvent rester anonymes ou vous être attribués selon votre
préférence.
Pour mieux nous connaître : voir notre page présentation.
Vous pouvez aussi
enrichir notre site par vos témoignages ou vos documents.
Pour nous contacter : webmaster@hexagonegay.com