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Pays-de-la-Loire

Les années 30

TEMOIGNAGE






RENCONTRE AVEC MAURICE.
Témoignage de Jean-Louis sur la vie gay nantaise dans les années 30.


J’ai rencontré Maurice en 1998 à Angers : je préparai une exposition sur le passé homosexuel à Nantes, dans le cadre de la Gay Pride. Les témoignages que j’avais recueilli jusqu’alors ne concernait que les années 1960-1970, les témoins étaient des quadras ou des quinquas qui avaient vécu leur jeunesse dans la cité des ducs. Difficile de remonter plus loin, je n’avais pas accès aux archives de police qui auraient pu me renseigner. Un jour, un ami à qui j’avait parlé du projet me dit « Tu peut venir passer une journée à Angers ? J’ai quelqu’un à te présenter… c’est un type qui vivait à Nantes avant la dernière guerre»
Effectivement, Maurice était né en 1920. Le vieux monsieur consacrait sa retraite à sa passion : restaurer de vieux postes de TSF.
La conversation devint vite intéressante. Sans complexe Maurice m’affirma qu’il avait compris de quel coté il « penchait » à 14 ans. Il était apprenti chez un électricien. Celui-ci entretenait les générateurs de l’usine à glace du centre de Nantes, dans l’ancien marché de Feltre ou se trouve aujourd’hui le magasin C&A. C’est là, par une belle après-midi d’été qu’un des scieurs de glace, un type tout en muscles, lui avait « fait sa fête ». Rien d’un viol, selon ses propres termes. Maurice, qui était plutôt dégourdi n’avait pas tardé à connaître le monde quasi-invisible aux hétérosexuels qui serait le sien désormais. Il évoqua ses camarades de jeux, connus sur le cours Saint-Pierre au pied de la cathédrale. La tasse qui y régnait disparût dans les années 80, mais depuis toujours c’était un lieu de rencontres plus ou moins discret. Ce quartier était riche en recoins et en cours propices aux rencontres furtives. Des tasses, des pissotières de tous les styles et de tous les formats, favorables aux échanges, la ville en comptait une quantité impressionnante, doux témoignage de l’époque bénie des notables hygiénistes. Aujourd’hui  elles ont presque totalement disparu, comme ailleurs.  Il y avait un autre lieu de rencontres, un peu moins risqué : la brasserie de l’Univers place Graslin. Certains soirs on y jouait dans la foule qui y affluait à « la main pendante » pour identifier les préférences de certains. A ses risques et périls, certes, mais l’endroit était connu par le bouche-à-oreille pour cette facilité. Et puis  Il  y avait des vedettes locales : comme, chez Decré, le grand magasin Nantais de l’époque, prodige d’acier et de verre détruit par les bombardements, un liftier déluré qui n’hésitait pas à arrêter l’ascenseur entre deux étages quand il en avait l’occasion, cinq minutes pas plus. Il fallait être rapide, savoir ce qu’on voulait, ne pas tourner autour du pot, se comprendre sans bavardages. Car la police veillait assurément, Maurice plus d’une fois échappa à ces messieurs, véloce et vif. Si il était pris, sa famille aurait su, or elle ne savait pas, on ne parlait pas de ces choses là à l’époque, jamais : c’était interdit.
Il y avait une période de l’année ou les folles nantaises donnaient libre cours à leur tempérament : la mi-carême. C’était le seul moment de l’année ou on tolérait qu’un  homme se travestisse. On se rattrapait alors. Le bal de l’hôtel de Bretagne, rue de Strasbourg (le bâtiment existe encore, entre la rue de Verdun et la mairie) était réputé pour la gaité sans malice, la simplicité avec laquelle on acceptait ce soir là ce que le reste de l’année l’on réprouvait absolument.  Le port de Nantes était aussi un haut lieu de la sexualité parallèle : le trafic y était alors remarquablement important, sans cesse des navires de commerce  arrivaient des colonies et des autres continents. Il y avait un brassage permanent de marins de tous grades, pas forcement en fonds pour aller au bordel, et qui ne crachait pas tous sur un partenaire disponible et accueillant. Maurice m’apprit ainsi que certaines tenancières de maison closes n’hésitaient pas, en période d’affluence, à faire appel à des garçons aptes à donner le change afin de suppléer au manque de personnel.  Il observa cette charmante pratique pendant la guerre, période ou lui-même donna le meilleur de sa personne
« Les canadiens, avant, les boches, pendant, et les amerloques après, on a couché avec tout le monde ! » Il me conta également une anecdote relative à ce que l’on appellerait aujourd’hui la mixité sociale : un soir de juin 40 il était allé au casernement des forces canadiennes battant retraite devant l’offensive allemande et y avait récupéré  un petit poste de radio, chose très rare alors.
 Il espérait le revendre sur le cours Saint-Pierre, ou il croisait la plupart du temps ses connaissances. Mais ce soir là, personne, l’atmosphère était quelque peu perturbée par l’imminente invasion. Pas pour Maurice, il était insouciant. N’empêche, il aurait bien voulu trouver un amateur pour sa radio.  Il attendit la nuit en grillant quelques cigarettes. Alors qu’il allait renoncer, il vit un homme qui sortait du cercle Louis-XVI et se dirigeait directement vers lui. Un géant, chapeau et pelisse noire, canne et monocle. L’homme demanda du feu pour son cigare éteint. Une des manières les plus naturelles de nouer contact. Très vite le géant proposa à Maurice de monter chez lui, ou il était seul ce soir-là. Maurice essaya de lui placer sa radio. L’homme lui répondit « Vient avec moi, je le verrai mieux et si il me plait je te l’achèterai »
Maurice le suivit donc, dans un grand immeuble proche de la cathédrale. L’appartement était immense et effectivement  vide. Mais plutôt que de s’intéresser à la radio, l’homme, comme Maurice le narra, sortit son « bazar » tout de go. Maurice, qui à 20 ans en avait déjà vu d’autre flageola sur ses jambes cependant : c’était hors de proportions, même pour un géant ! Effrayé, il s’enfuit en bredouillant quelque excuse, oubliant son petit poste de radio. Il sût un peu plus tard que le géant était un notable parmi les premiers, le baron G…, père d’un grand résistant.
Maurice n’avait pas participé à la « drôle de guerre », il était bon pour le service du travail obligatoire, le STO. Il avait depuis son apprentissage passé un brevet de radio technicien : ses compétences furent mises à profit en Scandinavie par une firme suisse qui collaborait  étroitement avec les nazis. Période difficile, surveillance permanente, chasteté obligatoire. Cela le marqua à tout jamais. Libéré en 1944 il rentra à Nantes qu’il retrouva défiguré par les bombardements. Il se maria et vécut dans la dissimulation jusqu'à la mort de son épouse : il n’était pas d’une génération et d’un milieu pour lesquels les choses allaient évoluer un jour.
Voilà pour Maurice. Il y eut aussi Germain, de 15 ans son cadet. Je le rencontrai par un ami commun en 1987. Germain était un Nantais, un vrai « petit-beurre ». Il avait comme Maurice su très tôt ses inclinations et la destinée avait mis à l’adolescence sur son chemin celui qui partagerait sa vie. Dans les années 50 et 60, ils vivaient ensemble dans un appartement du centre. Sans souci particulier : son ami était ténor à l’opéra, cela rendait leur camaraderie acceptable. J’ai peu de choses à dire sur Germain, sinon que cet homme délicieux, cultivé et prévenant était une sorte de chainon manquant entre la génération de Maurice, et celle des premières revendications gaies, après 1968. Il espérait beaucoup, mais sans illusions excessives.

Jean-Louis.

voir aussi : "Promenade en ville", récit de fiction de Jean-Louis se situant dans le Nantes de l'après-guerre.



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- Les  souvenirs personnels de Maurice, receuillis en 1998 par Jean-Louis.









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