Le
19ème siècle découvre, avec le terme "homosexuel" que beaucoup de ses
artistes, écrivains ou militaires en sont. Coincée et partagée entre la
France et l'Allemagne de Magnus Hirschfeld et d'Eulenburg, la Lorraine
déchirée en deux par l'annexion de 1871, sera néanmoins une terre de
richesse artistique où les homosexuels auront une place importante. De
Verlaine à Lyautey en passant par Edmond de Goncourt, ils sont nés en
Lorraine, ce qui n'empêchera pas le psychiatre Georges Saint Paul, né à
Metz et spécialiste en homosexualité, d'affirmer que "l'homosexualité
n'existe quasiment pas en France mis à part dans les villes
cosmopolites comme Paris ou Marseille ou encore dans les lieux
touristiques comme Nice ou Vichy".
:: METZ, DE LA FRANCE A L'ALLEMAGNE.
Le
XIXe
siècle verra naître à Metz un des poètes homosexuels les plus célèbres
de la littérature française. Paul
Verlaine
naît au 2 rue Haute Pierre
à Metz le 30 mars 1844. Bien qu'il la quitte durant son enfance, il
gardera pour sa ville natale des sentiments très forts et il les
exprimera à travers un certain nombre de textes. Son amour avec l'autre
"poète maudit", l'ardennais Arthur Rimbaud, sera qualifié de relation
tumultueuse par les historiens. Cet amour sera pour le moins passionné
puisqu'il faillit aboutir à un crime passionnel.
Dans la
première moitié du
19e siècle, Metz est au centre d'un important courant culturel et
artistique, écrivains, peintres, sculpteurs forment l'Ecole de Metz
dont la notoriété est internationale.
Malheureusement,
ce courant sera stoppé net avec la guerre de 1870 et l'annexion de Metz
au nouveau Reich allemand en 1871.
Avec
cette annexion, les
homosexuels messins ne bénéficient plus de la tolérance du code pénal
français qui avait été renforcé par le Code Napoléon en 1810. La
nouvelle loi qui régit dorénavant leur mode de vie est le paragraphe
175 du
Code pénal qui punit de
prison "la
débauche contre-nature". Le
répit n'aura bénéficié
qu'à une seule génération d'homosexuels messins depuis le Moyen-Age.
Il faut à
nouveau vivre
caché et renier sa nature profonde. Verlaine ne reviendra plus jamais à
Metz et de nombreux artistes et intellectuels fuient la ville pour la
France de l'intérieur et en particulier pour Nancy, restée française.
Ils y créeront l'Ecole de Nancy qui marquera la ville ducale au début
du siècle suivant.
::
NANCY, EXPLOSION DEMOGRAPHIQUE ET ARTISTIQUE.
Entre le siècle des Lumières et celui de l'Ecole de Nancy, la capitale
du Duché de Lorraine, rattaché à la France depuis 1766, va connaître au
XIXe siècle une explosion démographique et artistique. Avec l'annexion
de l'Alsace et de la Moselle au Reich allemand, Nancy va bénéficier de
la fuite des intellectuels, artistes et industriels des régions
annexées. En l'espace d'une quarantaine d'années, sa population va
passer de 50 000 habitants (1870) à 120 000 (1914).
En
1894, avant de s'appeler simplement l'Ecole de Nancy, est créée la
société des arts décoratifs lorrains. Emile Gallé en sera une des
figures marquantes. Surnommé "homo-triplex", car il est à la fois
céramiste, verrier et ébéniste, Gallé est un humaniste, fondateur de
l'Université Populaire de Nancy, Trésorier de la Ligue française des
droits de l'Homme. Il dénoncera le génocide arménien, défendra les
juifs de Roumanie et sera un des premiers à défendre publiquement le
Capitaine Dreyfus, dans une affaire où antisémitisme et homophobie ont
inspiré l'accusation.
Edmond de Goncourt, né à Nancy en 1822, homosexuel honteux (mais
pouvait-il en être autrement à cette époque ?), refusera en 1895 de
signer une pétition demandant un adoucissement de la peine infligée à
Oscar Wilde en raison de son homosexualité. Mais par ailleurs, il sera
un des premiers à présenter un personnage pédéraste dans un de ses
romans (La Faustin). Après sa mort, on retrouvera dans "le Journal"
qu'il a écrit avec son frère, l'aveu de sa pédérastie, connue à
l'époque de quelques écrivains proches, et l'ambigüité de sa relation
entretenue avec son frère Jules pour lequel il voue une véritable
passion, partageant la même maison
et le même lit et que seule la mort séparera.
Mais
l'homosexuel nancéien le plus illustre de cette époque est un militaire
: Louis-Hubert Lyautey, Maréchal de France, ne faisait pas mystère de
son homosexualité dans les salons parisiens qu'il fréquente avec
l'intelligencia de l'époque et notamment Marcel Proust. Il servira la
France, de l'Algérie au Tonkin, mais surtout au Maroc où il sera
Commissaire Président Général du pays. Il aura une idée très lucide, en
tout cas très visionnaire, du colonialisme français. Il sera le
ministre de la guerre durant la première guerre mondiale et fait
Maréchal de France en 1921. 50 ans avant ses contemporains, il jugera
inéluctable l'indépendance des pays du Maghreb et, en cela, sera un
opposant farouche de Pétain à qui il devra sa mise à la retraite non
volontaire. Il gardera longtemps après sa mort en 1934, l'estime des
marocains qu'il respectait dans leur différence, alors que l'attitude
générale de l'époque, envers les nord-africains, allait du mépris à la
condescendance.
:: PAUL VERLAINE.
Paul Verlaine est né à Metz le 30 mars 1844. L'ironie du sort voudra
que sa maison natale située au 2 rue Haute Pierre abrite dans les
années 60 la première discothèque gay de Metz et depuis les années 80
le principal bar gay de la ville.
Verlaine est issu d'une famille de militaires puisque son père est
capitaine. Il est baptisé à l'église Notre Dame, rue de la Chèvre. Sa
maison natale est située en face de l'Ecole d'Application de
l'Artillerie et du Génie (futur mess des officiers). Bien qu'ayant
quitté Metz dès l'âge de 7 ans, il se souviendra dans "les Confessions"
et "Souvenirs d'un messin" du boutiquier qui occupait le
rez-de-chaussée de son immeuble, du bruit du tramway qui passait dans
sa rue et des cortèges des futurs officiers à cheval qui se rendaient à
l'Ecole d'Application. L'esplanade, située à deux pas a laissé aussi un
souvenir de jeux d'enfants dans "les Confessions". Son père est muté en
1845 à Paris où toute la famille le suit, (le jeune Paul a alors 2
ans). Puis il reviennent à Metz en 1845 jusqu'en 1851 date à laquelle
ils s'installent définitivement à Paris. Paul Verlaine ne passera donc
que sa jeune enfance à Metz, mais il fera fréquemment allusion à sa
ville natale dans ses futurs poèmes et notamment lors de l'annexion de
Metz en 1871 à l'empire germanique qu'il vivra comme une déchirure. Un
poème des Invectives, "Metz" sera consacré à sa ville natale où il ne
retournera plus jamais car Metz ne redeviendra française qu'en 1918
soit 22 ans après sa mort. Metz honorera sa mémoire puisque le 30 mars
1919 la Fédération Lorraine des lettres et des Arts organisera une
cérémonie en présence de tous les notables civils et militaires de la
ville et la pose d'une plaque sur sa maison natale. A l'initiative de
son ami Gustave Kahn, autre homme de lettres messin, son buste, sculpté
par James Vibert, sera installé au bas de l'Esplanade en 1924 et
inauguré le 27 juin 1925.
Louis
Hubert Lyautey nait à Nancy le 17 novembre 1854. Elevé dans une famille
de militaires, il habite, enfant, à l'hôtel de la Reine sur la place
Stanislas. D'ailleurs, à deux ans, il commence son premier saut dans
l'inconnu, puisqu'il tombe du balcon du premier étage de l'Hôtel de la
Reine. Il survivra grâce à l'intervention du chirurgien Velpeau
(inventeur de la bande du même nom) mais devra porter un corset durant
10 ans. Après toute une vie d'exploits militaires à travers le monde,
il ne reviendra en Lorraine qu'à l'âge de 71 ans. Il s'installe à
Thorey, village de Meurthe-et-Moselle, où il fit construire un
château, jusqu'à sa mort à 79 ans. Son corps sera déposé dans
le
caveau des Ducs de Lorraine à l'Eglise des Cordeliers, avant d'être
transféré à Rabat un an plus tard. En 1961, il est à nouveau transféré,
cette fois à la chapelle de l'Hôtel des Invalides à Paris. Le village
de Thorey s'appelle aujourd'hui "Thorey-Lyautey".
:: GEORGES SAINT PAUL.
Georges
Saint Paul est né à Metz en 1870 et mort à Rassay en 1937. Jeune
médecin militaire, il participe, avec Alexandre Lacassagne, à de
nombreux travaux sur l'homosexualité et les invertis. En 1896, il
publie sous le pseudo de "Dr Laupts" "le Roman d'un inverti-né". Il
s'agit d'un témoignage d'un inverti italien anonyme envoyé à Emile Zola
et confié par ce dernier à Georges Saint Paul. Le livre sera
d'ailleurs préfacé par Emile Zola. Extrait : « On ne condamne pas un
bossu de naissance, parce qu’il est bossu. Pourquoi mépriser un homme
d’agir en femme, s’il est né femme à demi ? ». Ce récit
fera néanmoins partie d'une collection intitulée "Tares et
poisons
- Perversion et Perversité".
En 1926, il est nommé directeur du service santé militaire de Nancy
avec le grade de médecin-général. En 1930, il réédite son ouvrage,
cette fois sous son vrai nom Georges Saint Paul et y ajoute des
commentaires personnels. Le livre change aussi de titre : "Invertis et
homosexuels. Portrait d'inverti. Silhouettes de bisexuels".
A cette époque, le terme "inverti" a tendance à disparaître au profit
de "homosexuel". Pourtant Georges Saint Paul attribue un sens
différent à chacun des mots. Pour lui, l'inverti éprouve,
depuis
sa naissance, une attirance pour les êtres du même sexe, alors que
l'homosexuel est un être né "normal" éprouvant durablement ou non une
attirance sexuelle ou de l'amour pour les individus du même sexe que
lui. Au delà de la terminologie, le débat entre homosexualité innée ou
acquise alimentera encore les conversations de plusieurs générations.
Mais qu'il s'agisse d'homosexualité ou d'inversion, pour lui, les deux
seront à classer au rang des maladies mentales. Il préconisera des
mesures prophylactiques pour lutter contre l'inversion.
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