Les transformations de ce quartier vont avoir un impact direct sur sa
configuration commerciale. La destruction des halles de Paris en jullet
1971 et leur transfert à Rungis, en banlieue, va être un choc
économique pour le quartier.
Beaucoup de petits restaurants populaires qui ne vivaient que par les
professionnels installés aux halles et leur centaines de clients qui se
déversaient chaque jour dans le quartier, vont voir, du jour au
lendemain, toute leur clientèle disparaître. De nombreux établissements
vont fermer leurs portes et vendre leur fond de commerce. Les prix du
m2 vont baisser, d'autant plus que les halles vont être remplacées par
un immense trou qui ne sera mis en chantier qu'au bout de quelques
années. Cette opportunité va permettre à de nombreux jeunes de
s'installer, d'ouvrir des commerces et de donner un nouveau souffle au
quartier dans le début des années 80. Les homosexuels vont être leaders
aux halles en créant dans un premier temps de nombreux restaurants,
puis des bars ouverts sur la rue, mais aussi des discothèques.
Parallèlement, l'ouverture du Centre Pompidou en janvier 1977 va créer
un trait d'union entre le quartier des Halles et celui du Marais, qui
va dès le début, connaître le même développement qu'aux
Halles. Quelques entrepreneurs de la nuit vont commencer à constituer
un empire commercial en rechetant des établissements aux Halles. Serge
Houdlette, David Girard, Jean-Claude Detais, Maurice Mac-Grath seront à
la tête de plusieurs établissement aux Halles et dans le Marais. (voir l'archive vidéo de l'INA de 1986 sur le Gay
Bizness).
LES
BARS. Entre 1980 et 1982, de nombreux bars vont
éclore dans le quartier. "Le
Bloc Liquide" propose
une formule originale mais curieuse. Des casques suspendus au dessus de
chaque place au bar permettent aux clients d'écouter leur propre choix
musical. Si l'idée est amusante, on ne peut pas dire qu'elle engendre
la convivialité. Le "San
Francisco Night" est lui un nouveau bar de nuit qui
propose aussi de la restauration. Le "Broad
Side"
ouvre à deux pas de la discothèque le Broad pour accueillir les clients
avant leur sortie en boite. Les deux établissements appartiennent au
même propriétaire. Le Broad Side deviendra plus tard "le
Banana Café".
L'afflux de la clientèle homosexuelle dans le quartier va transformer
aussi certains vieux cafés ou brasseries, qui passent d'une clientèle
de "forts des Halles" à une clientèle plus gaie et colorée. C'est le
cas du "Bon Pêcheur"
ou de la terrasse du "Père
Tranquille".
Yves Mourousi, le présentateur vedette du 20h de
TF1 ouvre en mai 1984
son bar gay : "Le Look".
Un grand comptoir à droite, peu de places assises à part en terrasse,
le look fait le plein immédiatement. Et on a parfois la chance d'y
croiser son patron... "Bonsoir".
Si le "Café Costes",qui
ouvre en 1984, n'est pas à priori un établissement homosexuel, il est
néanmoins fréquenté en majorité par une certaine élite homosexuelle ou
par de jeunes gays BCGB qui vont trouver dans cet établissement une
déco et une ambiance à la hauteur de leur style de vie. "Le Café
Costes", avec son horloge en haut de son escalier monumental, est
dessiné par l'architecte Philippe Starck. Son architecture très
symbolique des années 80 le fera passer pour le plus beau café du
Monde. Les frères Costes seront aussi à l'origine de l'ouverture en
1986 du "Café Beaubourg"
en face du Centre Pompidou. Même clientèle et même concept. Cette fois
le design est signé Christian de Portzamparc.
LES
DISCOTHEQUES. "Le
Broadway Melody", 5 rue de la Ferronnerie, va se muter en "Broad"
en 1981 et s'étendre au 3 rue de la Ferronerie. L'histoire de cet établissement, qui va être un des plus
populaires des années 80, est déjà longue. Au début des années 70, il
s'appelait "La Grande Feronnerie". Sa clientèle était hétérosexuelle,
réputée pour sa consommation de stupéfiants et on y écoutait des vieux
succès des années 30 à 50. En 1976, il est repris par le jeune
Jean-Claude Detais qui va peu à peu le transformer. Au rez de Chaussée,
"la Grande Feronnerie" va proposer de la musique américaine et des
nouveautés anglaises et au sous-sol, qui prend le nom de "Broadway
Melody", on y sirote des cocktails dans une ambiance plus cool mais
aussi de plus en plus gaie. En 1980, le nouveau "Broad" fait
appel à de jeunes DJ's qui vont relancer
l'établissement grâce à la qualité de la programmation musicale qui
passe de la disco des années 70, au funk et à la house des années 80.
David Guetta, dont ce sera la première résidence, y fera ses premières
armes en 1986. Ses soirées "acid house" au Broad feront sa réputation.
Il entamera ensuite la carrière internationale qu'on lui connaît.
Florent Pagny,
qui n'avait pas encore entamé sa carrière d'acteur et de chanteur, y
est barman. Il y rencontrera l'impressario Dominique Besnehard qui lui
mettra le pied à l'étrier. Très vite, le Broad va devenir la boite à la
mode et, durant quelques
années, une des locomotives des nuits gay parisiennes, au moins pour
les amateurs de bons sons.
La discothèque s'étend sur plusieurs niveaux. Au rez-de-chaussée, un
grand bar avec la principale piste de danse au fond ; au sous-sol, un
enchevêtrement de caves voutées sur différents niveaux avec un autre
bar et même, un certain temps, une petite backroom. Le Broad, avec des
tarifs beaucoup plus démocratiques que ceux des boites de la rue
Sainte-Anne, va être aussi un exemple de mixité sociale, à défaut de
l'être pour l'age ou le sexe. En effet, la clientèle y est presque
exclusivement jeune et masculine mais de tous les milieux et de toutes
les races. Son succès ne ralentira jamais durant les années 80, malgré
l'ouverture de nombreux concurrents. Jean-Claude Detais ouvrira dans la
même rue le bar le Broadside (voir plus haut) mais aussi une boutique
Dans la foulée de l'élection de François Mitterrand en mai 1981, la
discothèque "Le BH",
qui
soutient ouvertement sa politique à grands renforts de publicité,
ouvre dans le quartier des Halles au 7 rue du Roule en juin 1981.
L'endroit était un
ancien restaurant appelé "Le Bistrot des Halles". Le fils de la
patronne, Christian Hassinger, va reprendre le restau de maman et en
faire la discothèque le BH. Les prix y sont
raisonnables et il n'y a aucune discrimination à l'entrée, ni de race,
ni de tenue vestimentaire, ni de catégorie sociale. Au début, les
filles y sont
acceptées même si elles ne s'y sentent pas vraiment à l'aise. Dès
l'ouverture, une
petite backroom est sommairement aménagée au fond de l'établissement
qui va être constamment en travaux de rénovation et offrir bientôt
"backroom à tous les étages". Certains en déduiront que les lettres
"BH" signifient désormais "Bordel Homosexuel". Le BH connaîtra une
fermeture tragique. Un individu, jamais identifié, sévira à coup de
lames de rasoirs lors de scéances de fist fucking dans la backroom.
Après deux morts, la police a fini par fermer l'établissement. "Le Caveau
des Halles", autre discothèque, va ouvrir pas très loin
mais il ne rencontrera pas sa clientèle.
Un ancien gigolo de la rue Sainte-Anne (et qui ne s'en cache pas),
David Girard, va ouvrir, avec ses économies accumulées, la discothèque "le Haute Tension"
le 14 décembre 1983.
Avec son sens des affaires, il va se retrouver très vite à la tête d'un
empire gay sur la capitale. Il va ouvrir aussi deux saunas le "King
Sauna" et le "King Night", un restau "David Le Restaurant" et
lancer le journal "5/5" puis le journal "Gay International - GI". En
1987, un peu à l'étroit dans son Haute Tension, il va le fermer le 30
mai pour ouvrir 20 jours plus tard, la plus
grande boite gay de France à Barbès : "Le Mégatown" (Cf :
"Autres quartiers, les
discothèques").
Au
14 rue Saint Denis, "Le
Limelight Boys International" remplace le "Hellzapoppin"
le 11 février 1983, sous la direction de Patrick Guerland. Le
Limelight va offrir deux pistes de danse, des vidéos et une petite
backroom en sous sol. Après deux années de succès, il va être
remplacé à son tour par "Le
Club" en juillet 1985.
Ambiance
au Broad...
...et au
Limelight Boys
LES
RESTAURANTS.
Dès la fin des années 70 ce sont les restaurants gay qui vont attirer
cette clientèle dans le quartier. Les restaurants américains, "Joe Allen", "Front Page", "Conway's", "Diable des Lombards"
(cf années 70)
vont attirer une clientèle jeune, gay et branchée. Entre le trou des
halles et la rue de Rivoli, de nombreux petits restaurants
traditionnels vont, chacun, avoir leur clientèle. Max Reytet a quitté
son restaurant de la rue Montpensier pour s'installer au premier étage
du 47 rue Saint Honoré où il ouvre "Chez
Max", le repère du tout Paris Gay. Le quartier
Montorgueuil, pas encore piétonnisé ni à la mode, va voir quelques
nouveaux restaus tenus par des couples de garçons s'installer, comme "le Mandar'inn",
au
10 rue Mandar ou le "Mandarlogue"
en face au 11. Pour débuter le parcours Broad Side, Broad, le
restaurant "L'Amazionial"
va réunir la même clientèle que les deux
établissements précités dans une ambiance très festive
et exubérante distillée par une armada de beaux jeunes serveurs. Le "Palmier en Zinc" va
aussi connaître un beau succès auprès des jeunes gays.
Les bars et discothèques gay des Halles dans
les années 80 :
Publicité
pour l'Amazonial
Publicité
pour le Haute Tension
Vitrine du
Look, le bar gay d'Yves Mourousi
Le
sous-sol du Haute Tension.
Le
Diable des Lombards
Le Broad
Side
Les
Bouchons
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les années 80 - sélectionnés sur Amazon.fr
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sur Amazon.fr
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CD compilations des
années 80 - sélectionnés sur Amazon.fr :
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Titres gay cultes des
années 80
sélection Hexagone Gay :
- Didier ERIBON, Dictionnaire
des Cultures Gays et
Lesbiennes, Larousse, 2003
- Florence TAMAGNE, Revue
d'Histoire moderne et contemporaine, Ecrire l'histoire des
homosexualités en Europe : XIXe - XXe siècles. tome 4,
Editions Belin, 2006
- Jean-Louis CHARDANS, British group
of sexological research, History and antology of homosexuality,
histoire et anthologie de l'homosexualité, Centre d'Etudes
et de Documentations Pédagogiques Paris, 1970
- Iconographie : Collection privée de Cartes Postales
- Frédéric MARTEL, Le
Rose et le
Noir - Les Homosexuels en France depuis 1968.
- Elisabeth Quin - Bel
de Nuit,
Gerald Nanty - Livre de Poche, 2007
- Jacques Bertholon & Xavier de
Vilmorin - Guide
Johnnie
Walker de la Nuit - Hachette - 1982
- Revue
Gai Pied Hebdo - années 80, 81, 82, 83, 84, 85, 86, 87,
88, 89.
- Revue
Lesbia - années 80
- Guides
du Petit Futé Paris - années 80.
- Guides
Spartacus - Brüno Gmûnder - années 80
- Guides
Incognito - Années 80
- Guides
Gai Pied - Années 80
- Archives du Centre LGBT Paris Ile-de-France
- Témoignages et archives personnelles : Jean-Marc, Marc, Philippe,
Jacques de Brethmas.
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