Le
quartier gay des années 60, Saint
Germain, va se vider au profit de la rue
Sainte Anne durant les années 70. Pourtant de
nombreux établissements ont tenté d'y faire de la résistance entre 1968
et 1973. Le roi de la vie nocturne du quartier, Gérald Nanty, ouvre en
1970, "le Nuage" au
5 rue Palissy. Le Nuage se positionne sur le même créneau que le Sept
de
la rue Saint-Anne, mélange de Jet Set et de jeunes minets branchés.
Le Nuage organise aussi de nombreux shows de travestis. L'établissement
va vite être à la mode et bien marcher mais Gérald
Nanty
comprend suffisamment tôt que le quartier va perdre de sa popularité
auprès des gays et il émigre rue Sainte Anne en 1973. Il quitte le
Nuage
pour ouvrir le Colony. Il reviendra à
Saint Germain lorsque la rue Sainte Anne se videra à son tour.
La plupart des bars et discothèques du quartier ne vont pas fermer
leurs portes mais simplement changer de clientèle. "Le Café de Flore",
toujours entre les mains de M. Boubal, va évoluer une nouvelle fois. La
clientèle efféminée va peu à peu déserter les lieux au profit d'une
clientèle plus touristique. En face, les gigolos du Drugstore
vont peu à peu traverser aussi la Seine pour la rive droite, comme
leurs clients. Tous les bars, qui avaient hérité, souvent malgré eux,
de
la clientèle gay vont peu à peu la perdre ou la voir vieillir : "Le Pousse au Crime",
"le Speakeasy", "La boite à
Chanson", "Le
Cherry Lane", "Le Lemon Road"...
"Le Prélude" et l'historique "Fiacre" vont
disparaître.
En revanche, les restaurants du quartier vont garder la cote auprès de
la clientèle gay qui ne retrouve pas les mêmes niveaux de prix rue
Sainte Anne. Le "Gli-gline"
créé au début des années 70 par Pierre (ex Coup de Frein) propose une
cuisine classique sur 3 étages. Le premier, ouvert à tous, propose
une
carte de brasserie, le second est plus masculin et plus cher, le
sous-sol abrite un bar. "Le Chamarré"
est
ouvert en 1972 par Jean Marais et Jacques Collard au 5 rue Bernard
Palissy. C'est Jean Marais qui en dessine la décoration. Jacques
Collard, moins connu du grand public, est comédien et producteur, mais
aussi ancien Directeur du Cabaret "La Grande Eugène". On le retrouvera
plus tard dans bien d'autres lieux gais parisiens et dans le monde du
show-biz où il produira de nombreux spectacles. "Le
Vieux Casque" a une clientèle très fidèle de garçons qu'on
retrouve souvent au Mocambo. "L'Attrape
C½ur" et "Le
Petit Prince",
fondé en 1976, seront les plus populaires auprès des homos qui
commencent de plus en plus à sortir en couple, ce qui était
peu le
cas dans les années 60. Ces restaurants, contrairement à ceux de la rue
Saint Anne, proposent une bonne cuisine traditionnelle à des prix
abordables. Il ne sont pas fréquentés par la Jet Set et l'ambiance y
est conviviale et majoritairement masculine. Certains seront toujours
fidèle à cette clientèle 30 ans plus tard.
Le tour des restaurants du quartier ne serait pas complet si l'on
n'évoquait pas "La Vieille Trousse".
Non pas que le restaurant soit gastronomique, bien au contraire, la
cuisine est plutôt à la limite de l'intoxication alimentaire et arrosée
d'un gros rouge style "fort des halles". Mais ce qui fait l'originalité
de l'établissement, c'est son ambiance. Du patron aux serveurs, en
passant par les cuisiniers, tous méritent la médaille d'or de
l'improvisation pour leur humour trash et décalé. Ici le client est
l'objet de tous les quolibets, qu'il soit gay ou hétéro, homme ou
femme... et tout le monde en redemande. Le serveur
s'assoit généralement sur les genoux des beaux garçons pour prendre la
commande et oublie volontairement sa petite amie assise juste à
coté.
De toute façon, la commande ne sert à rien puisque si vous commandez un
steak on vous sert une cuisse de poulet, en fonction de l'humeur du
chef ou des stocks de la cuisine. Lorsqu'une bourgeoise se pointe
à la
porte avec une robe "haute couture", un des garçons hurle à travers la
salle "Voilà celle qui nous a volé les doubles rideaux !". Lorsqu'un
client sort des toilettes discrètement, tous les projecteurs se
dirigent vers lui au son de la Cucaracha et sous les applaudissements
de toute la salle. Le pourboire fait aussi l'objet d'une mise en scène
particulière. En fonction de son montant, il peut provoquer un petit
spectacle "improvisé" par tout le personnel qui entame une délicieuse
chanson paillarde en dansant. Le billet termine invariablement dans une
énorme culotte de femme en dentelles suspendue au dessus du comptoir.
Lorsque le patron offre la tournée générale, c'est un mousseux servi
avec un extincteur.
Quant aux desserts, ils sont toujours très...
évocateurs avec deux boules de glace surmontées d'une banane dressée
d'où sort une coulée de chantilly. Le personnel de la "La Vieille
Trousse" manie toujours le mauvais goût, la dérision à la limite de la
vulgarité, la gouaille parisienne mais toujours en sachant parfaitement
ne jamais dépasser les limites. Et l'endroit ne désemplit pas.
Si on voit encore beaucoup d'homos à Saint Germain
dans l'après-midi et
à l'heure du dîner, les plus jeunes d'entre eux traversent la Seine le
soir pour danser. Le jeunesse gay n'abandonne néanmoins pas totalement
le quartier qui va même avoir un nouveau souffle à la fin des années
70, lorsque la rue Sainte Anne va commencer à faiblir, avec quelques
établissements plutôt à la mode. "Le
Mabillon"
est le nouveau café où les jeunes gays se retrouvent dans l'après-midi
en terrasse ou à l'heure de l'apéro avant de sortir en boite.
L'ambiance musicale y est plutôt appuyée et mode, la déco sympa et
couleur pourpre, la clientèle plutôt bon chic bon genre. Une
discothèque du quartier, qui va conserver une ambiance jeune, est "Le Mocambo",
rue de l'Echaudée. Cette boite est d'assez grande
dimension et ses
clients des inconditionnels. Les filles y sont admises et l'ambiance
est plutôt décontractée et moins guindée que rue Sainte Anne. Les prix
y sont également plus raisonnables, surtout en semaine. Le Mocambo va
être le pilier gay du quartier durant de nombreuses années.
Un autre établissement va aussi faire son apparition à la fin des
années 70 : "Le
Liberty's", rue des Grands Augustins.
Les lesbiennes vont continuer à fréquenter "le Pousse au Crime",
rue Guisarde (cf "les
établissements lesbiens").
L'autre nouveauté du quartier est l'ouverture de bars virils avec des
mecs moustachus avec casquette de cuir. Vers 1973, "Le Pick-Up"
ouvre au 8 rue des Anglais et propose, comme le Bronx de la rue Sainte
Anne, un espace cruising pour des rencontres hard. En 1976,
il
devient le "Manhattan".
(cf "les cruising bars").
AMAZON.FR
> Livres et CD sur
les années 70 :
> Recherches sur
Amazon.fr :
>
CD compilations des
années 70 - sélectionnés sur Amazon.fr :
>
Titres gay cultes des
années 70
sélection Hexagone Gay :
- Didier ERIBON, Dictionnaire
des Cultures Gays et
Lesbiennes, Larousse, 2003
- Florence TAMAGNE, Revue
d'Histoire moderne et contemporaine, Ecrire l'histoire des
homosexualités en Europe : XIXe - XXe siècles. tome 4,
Editions Belin, 2006
- Jean-Louis CHARDANS, British group
of sexological research, History and antology of homosexuality,
histoire et anthologie de l'homosexualité, Centre d'Etudes
et de Documentations Pédagogiques Paris, 1970
- Iconographie : Collection privée de Cartes Postales
- Frédéric MARTEL, Le
Rose et le
Noir - Les Homosexuels en France depuis 1968.
- Elisabeth Quin - Bel
de Nuit,
Gerald Nanty - Livre de Poche, 2007
- Jacques Bertholon & Xavier de
Vilmorin - Guide
Johnnie
Walker de la Nuit - Hachette - 1982
- Revue
Gai Pied - Revue In
- Guides
Spartacus - Brüno Gmûnder - années 70
- Guides
Incognito - Années 70
- Archives du Centre LGBT Paris Ile-de-France
- Témoignages et archives personnelles : Jean-Marc, Marc, Philippe.
ANNONCES
Le
site Hexagone Gay et sa base documentaire sont gérés par l'association
MÉMOIRE COLLECTIVE et ses bénévoles. Les frais de fonctionnement
et
d'hébergement du site sont autofinancés par les affiliations et encarts
publicitaires présents sur ce site. En revanche, nos recherches
documentaires, nos acquisitions de documents, notre archivages sont
financés par nos fonds personnels. Vous pouvez nous aider à conserver
notre mémoire LGBT, en toute indépendance, par un don, via le bouton
Paypal ci-contre.
Les dons peuvent rester anonymes ou vous être attribués selon votre
préférence.
Pour mieux nous connaître : voir notre page présentation.
Vous pouvez aussi
enrichir notre site par vos témoignages ou vos documents.
Pour nous contacter : webmaster@hexagonegay.com
Hexagone Gay propose également un site de
rencontres gay
réservé aux hommes de plus de 18 ans.