Avec l'ouverture du "Bronx",
rue Sainte Anne en 1973, la France va connaître l'ouverture de nombreux
cruising bars comme il en existe déjà aux Etats-Unis et en particulier
à New-York ou à San-Francisco. Ces bars "officialisent" une pratique
déjà ancienne,
notamment dans les saunas ou les cinés pornos, qui consiste à
concrétiser les rencontres
qu'on y fait, sur place, dans une pièce sombre, appelée "black room" ou
"back-room". Mais les cruising bars, appelé encore à l'époque "bars
cuirs", proposent aussi une ambiance à
laquelle les homos français n'étaient pas encore habitués dans les
années 70. Le décor est souvent minimaliste, évoquant un chantier, un
garage, une usine. On y diffuse généralement des vidéos gay pornos et
il existe un dress code, plus ou moins suivi des clients mais que
s'impose le personnel : Moustache, barbe de quelques jours, cuir,
auxquels se rajouteront au fil des années piercing, tatouage etc... Les
premiers établissements qui ouvrent à Paris au début des années 70
seront encore sommaires. Les suivants proposeront des installations au
service des fantasmes masculins : glory-holes, sling, labyrinthes...
Presqu'en même temps que le Bronx, "le Pick-up"
ouvre à deux pas de Saint Germain. Le bar propose aussi un espace
cruising, mais la formule n'est pas encore au point et le nom pas
suffisamment évocateur. Le Pick-Up se transforme en "Manhattan" en
1976. Le Manhattan propose une backroom mais dans une ambiance encore
différente. S'inspirant du Mineshaft de New-York, l'établissement fait
se côtoyer le bar, la backroom mais aussi une piste de danse au
sous-sol. La
conjugaison de ces trois éléments dans un même lieu est une nouveauté
pour Paris. Le Manhattan va connaître un tel succès que la police va
être intriguée par l'établissement, considérant qu'il s'agit d'un
bordel à garçons déguisé. Encore peu familiarisée avec des pratiques
homosexuelles vieilles comme le monde, mais pour la première fois
proposées dans un bar ayant pignon sur rue, la police va y faire une
impressionnante descente, les clients vont être arrêtés et conduits au
poste. Le Manhattan va être obligé de fermer ses portes durant un
an.
Ce qui
n'empêchera pas d'autres bars d'ouvrir. Peu à peu, la police va
comprendre que les rencontres n'y sont pas tarifées, mais librement
consenties entre clients majeurs. Reste juste le soucis
d'exhibitionnisme ou de débauche dans un lieu public. Elle considèrera
probablement qu'il vaut mieux canaliser ce phénomène dans des lieux
clos et contrôlables qu'en pleine nature comme c'était le cas dans les
wc publics. La multiplication des backrooms va effectivement être
inversement proportionnelle à celle des tasses extérieures. Leur
acceptation progressive par les forces de l'ordre va être considérée
par les homosexuels comme une victoire dans l'acceptation d'un droit
supplémentaire : celui de vivre sa sexualité dans sa différence. En
effet, si la pratique était déjà tolérée depuis longtemps dans les
saunas et les cinémas pornos, c'était de manière hypocrite, sous
couvert d'une activité "écran de fumée" ou plus précisément de vapeur.
La nouveauté est que ces bars revendiquent leur fonction en toute
transparence et leur acceptation par les pouvoirs publics, à ce titre,
est une étape importante dans la reconnaissance officielle de certaines
pratiques homosexuelles. "Le
Daytona",
rue Notre Dame-de-Lorette dans le 9ème, va ouvrir en 1977 et profiter
de la fermeture administrative du Manhattan pour attirer cette
clientèle en mal de sensations fortes. Le quartier de la Bastille va
aussi accueillir son premier
bar cuir, "Le Keller's".
Les garçons vont s'entasser dans sa première petite backroom.
Les
années 80 vont voir ces lieux exploser à Paris. Ils vont aussi
entrainer de nouveaux comportements dans la communauté gay. A l'image
du gay américain, symbolisé par le groupe "Village People", les gays
français vont pour beaucoup d'entre eux, devenir "clones", "cuirs",
"macho men" et reléguer au rayon des antiquités les folles qui avaient
fait les grandes heures de Saint Germain.
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RESSOURCES
EXTERIEURES ET REMERCIEMENTS
- Didier ERIBON, Dictionnaire
des Cultures Gays et
Lesbiennes, Larousse, 2003
- Florence TAMAGNE, Revue
d'Histoire moderne et contemporaine, Ecrire l'histoire des
homosexualités en Europe : XIXe - XXe siècles. tome 4,
Editions Belin, 2006
- Jean-Louis CHARDANS, British group
of sexological research, History and antology of homosexuality,
histoire et anthologie de l'homosexualité, Centre d'Etudes
et de Documentations Pédagogiques Paris, 1970
- Iconographie : Collection privée de Cartes Postales
- Frédéric MARTEL, Le
Rose et le
Noir - Les Homosexuels en France depuis 1968.
- Elisabeth Quin - Bel
de Nuit,
Gerald Nanty - Livre de Poche, 2007
- Jacques Bertholon & Xavier de
Vilmorin - Guide
Johnnie
Walker de la Nuit - Hachette - 1982
- Revue
Gai Pied
- Guides
Spartacus - Brüno Gmûnder - années 70
- Guides
Incognito - Années 70
- Archives du Centre LGBT Paris Ile-de-France
- Témoignages et archives personnelles : Jean-Marc, Marc, Philippe.
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